O TEMPO NA DIREÃÃO DO TRATAMENTO
O TEMPO NA DIREÃÃO DO TRATAMENTO
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existence. Car à tuer le temps, le sujet du<br />
désir se tue aussi 88 .<br />
Devant ce sujet mélancolique, l’analyste<br />
est poussé à tenir la place d’Echo, parlant<br />
pour n’être entendu que de lui-même. Il<br />
lui faut donc inventer un mode<br />
d’intervention différent, paradoxal, acté,<br />
pour arracher le gisant à son éternité.<br />
Ahasvérus fût extrait de son non-être à<br />
partir d’une petite histoire que j’ai<br />
racontée à voix basse et dans laquelle il<br />
est question de la part de je/u que met<br />
un enfant à se perdre pour contraindre<br />
l’autre à le chercher. L’objectif était de<br />
greffer une adresse à la disparition dans<br />
le vide. J’ai vu le patient relever la tête<br />
doucement et écouter. Ce fut le début de<br />
son retour.<br />
Passons à des personnages moins<br />
tragiques, qui plus banalement rusent<br />
avec le temps de mourir, limite<br />
insupportable posée à leur toutepuissance.<br />
L’un est arrêté dans un passé<br />
anticipé perdu pour toujours, pour lui<br />
c’est désormais trop tard. L’autre attend<br />
dans un futur antérieur infini, pour elle<br />
c’est constamment trop tôt.<br />
Le premier, que j’appellerai Henri comme<br />
Faust, prévient toute surprise, hélas<br />
pour lui même les bonnes. Tout en<br />
préparation, précaution, prévision, il<br />
réussit pourtant à tromper sa ponctualité<br />
et il lui arrive, plus souvent qu’à son tour,<br />
de se faire attendre. Alors l’angoisse<br />
surgit devant le vague désir qu’il pourrait<br />
rencontrer en face. Surtout que l’autre ne<br />
lui demande rien ! Ce serait dès lors trop<br />
risqué. Car du risque il ne veut plus ; déjà<br />
il a été mis au monde sans son accord,<br />
produit d’une scène primitive à laquelle il<br />
préfèrerait ne jamais penser mais qui se<br />
rappelle parfois à lui dans les méandres<br />
de ses rêves. Chacune de ses petites<br />
lâchetés, où il pèche de céder sur son<br />
désir, souvent au détriment de son<br />
partenaire, s’inscrit non sur un tableau<br />
remisé dans une chambre close comme<br />
pour Dorian Gray 89 , mais sur la cire<br />
molle d’une culpabilité toujours fraîche<br />
dont il ne veut rien savoir mais qui lui<br />
rend la vie insupportable. Il végète dans<br />
l’après-coup de demandes obsolètes,<br />
toujours nostalgique d’une après-midi<br />
éternelle où il avait été l’enfant plus-queparfait,<br />
comblant une mère ravie.<br />
Ainsi prisonnier d’une fixation qui le<br />
maintient dans un état de léthargie où la<br />
pulsion de mort parle en silence, il<br />
ignore l’heure de la fatale visiteuse dont<br />
pourtant la simple évocation le plonge<br />
dans une inquiétante angoisse. Il est<br />
quasi déjà mort mais ne le sait pas.<br />
La seconde, que j’appellerai Belle, ne<br />
voit pas le temps passer, parfois court<br />
après, mais le plus souvent attend qu’un<br />
homme d’exception lui courre après. Sa<br />
vie ressemble à celle de l’héroïne<br />
condamnée dès sa naissance, par une fée<br />
qui ne fut pas invitée aux festivités, à se<br />
piquer avec un fuseau et à en tomber<br />
raide morte, ce très précisément à l’âge<br />
de 15 ans 90 . Ce n’est pas banal que ce soit<br />
l’âge de ‘l’éveil du printemps’ 91 , soit le<br />
moment de la rencontre avec la sexualité<br />
effective, deuxième temps du trauma<br />
inévitable qu’est la rencontre du sexuel<br />
révélateur du manque. Le sort sera<br />
adouci par une fée concurrente et la<br />
mort transformée en un sommeil de cent<br />
ans.<br />
Ce que Belle tient à ignorer, c’est qu’il<br />
y a escroquerie sur le prince dit<br />
charmant. Rappelons brièvement les<br />
faits : le château entier avec tous ses<br />
habitants se fige dans le temps et une<br />
muraille d’épines le cerne. Les jeunes<br />
hommes tentés par l’objet féminin recelé<br />
y restent accrochés jusqu’à ce que mort<br />
s’en suive. Celui qui réussit à franchir<br />
l’obstacle le fait totalement par hasard.<br />
Tout simplement le temps de la<br />
malédiction est révolu. Il se trouve juste<br />
au bon moment, celui du réveil de la<br />
princesse au désir endormi. Pas le<br />
88<br />
LACAN, J. Le séminaire « L’identification », inédit,<br />
leçon du 23 mai 1962 : « cette vie éternelle<br />
dont serait écartée toute promesse de la fin n’est<br />
concevable que comme une forme de mourir<br />
éternellement ».<br />
89<br />
WILDE, O. Le portrait de Dorian Gray.<br />
90<br />
« La Belle au bois dormant » première version<br />
de Charles Perrault, puis des frères Grimm.<br />
91<br />
De F. Wedekind, préfacé par Jacques Lacan,<br />
Paris, Gallimard, 1983.<br />
Heteridade 7<br />
Internacional dos Fóruns-Escola de Psicanálise dos Fóruns do Campo Lacaniano 58