Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871
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Édouard Dolléans, <strong>Histoire</strong> <strong>du</strong> <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong>, <strong>Tome</strong> I : <strong>1830</strong>-<strong>1871</strong> (1948) 102<br />
caprices de son idole momentanée. Lorsque ces idoles populaires étaient tombées de<br />
leur piédestal, elle se trouvait plus désemparée que jamais. » Donc défiance à l'égard<br />
des vedettes.<br />
La classe ouvrière doit apprendre à se con<strong>du</strong>ire par elle-même, sans le secours de<br />
ces directeurs de conscience sociale, auxquels jusque-là elle avait remis le soin de ses<br />
intérêts. Elle doit devenir son propre gérant d'affaires. Les fondateurs de la W. M. A.<br />
voient dans leur association une école où les <strong>ouvrier</strong>s pourront s'instruire, discuter<br />
librement et se donner à eux-mêmes leur propre é<strong>du</strong>cation politique.<br />
Profondément originale est cette conception, parce qu'elle veut substituer à la direction<br />
extérieure et instable des meneurs populaires une action consciente et autonome.<br />
La classe des travailleurs trouvera ses chefs naturels dans une aristocratie ouvrière<br />
que formera la W. M,. A. Est-il besoin de rapprocher cette conception de celle<br />
<strong>du</strong> syndicalisme considérant, comme l'agent actif de la Révolution, une minorité ouvrière<br />
d'une é<strong>du</strong>cation sociale et syndicale supérieure ? Sans doute la W. M. A. se<br />
déclarait disposée à apporter son concours à tous ceux qui travaillent au bonheur <strong>du</strong><br />
peuple ; mais « elle devait toujours avoir présente à l'esprit cette vérité d'expérience<br />
que, dans la société actuelle, la division des intérêts des différentes classes s'oppose le<br />
plus souvent à l'union des cœurs et des volontés ».<br />
L'association était résolue à ne recruter ses membres que dans les rangs de la<br />
classe ouvrière. Mais, ajoutait l'article 8, « comme on n'est pas d'accord sur la ligne de<br />
démarcation qui sépare la classe ouvrière des autres classes, le soin de déterminer si<br />
un candidat est éligible est laissé aux membres eux-mêmes »<br />
.La politique de la W. M. A. sera une politique ouvrière. Toutefois, le principe de<br />
la lutte des classes ne domine pas cette politique. La W. M. A. accepte de collaborer<br />
avec tous les serviteurs de la cause populaire. Sans doute la communauté de sentiments,<br />
« la conscience de classe », est la condition indispensable de toute réalisation<br />
et de toute réussite. La W. M. A. est fondée essentiellement sur l'action personnelle de<br />
la classe ouvrière qui doit trouver ses chefs parmi les siens. Chaque classe a ses intérêts<br />
distincts ; elle est donc incapable de représenter les autres classes. La classe ouvrière<br />
doit donc avoir des représentants pris dans son sein. Seulement, il faut noter dès<br />
maintenant que, de cette idée de classe, la W. M. A. ne dé<strong>du</strong>it pas, comme un corollaire<br />
nécessaire, un antagonisme irré<strong>du</strong>ctible et qu'elle admet les alliances avec les<br />
démocrates bourgeois.<br />
Cette action de classe que veut inaugurer la W. M. A. doit devenir une action internationale.<br />
Les classes laborieuses de tous les pays sont liées par des sentiments et<br />
des intérêts communs.<br />
L'année même de sa formation, en novembre 1836, la W. M. A. envoie un manifeste<br />
à la classe ouvrière belge, et Lovett revendique pour son association « l'honneur<br />
d'avoir la première intro<strong>du</strong>it la coutume des messages internationaux entre <strong>ouvrier</strong>s<br />
des différents pays ». « La classe ouvrière ignore la situation qu'elle occupe dans la<br />
société... Notre émancipation dépend de la diffusion de ces vérités parmi les <strong>ouvrier</strong>s<br />
de tous les pays. »