Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871
Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871
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Édouard Dolléans, <strong>Histoire</strong> <strong>du</strong> <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong>, <strong>Tome</strong> I : <strong>1830</strong>-<strong>1871</strong> (1948) 63<br />
Buchez a donc eu une influence directe sur certains milieux d'artisans parisiens.<br />
C'est de lui qu'ils reçoivent la théorie de l'association ouvrière de pro<strong>du</strong>ction, mise en<br />
application en 1834 par les <strong>ouvrier</strong>s bijoutiers en doré.<br />
Dès décembre 1831, dans un article sur Les Moyens d'améliorer la Condition des<br />
Salariés des villes, Buchez développe ses idées sur l'association ouvrière de pro<strong>du</strong>ction.<br />
Les artisans ou <strong>ouvrier</strong>s libres dont le principal capital est l'habileté technique<br />
n'ont besoin que d'instruments de travail n'engageant pas de gros capitaux en argent.<br />
Ces <strong>ouvrier</strong>s-artisans doivent s'organiser en associations ouvrières disposant d'un capital<br />
social, perpétuel et inaliénable, formé de 1/5 e des bénéfices que réalisent les <strong>ouvrier</strong>s<br />
associés devenus de véritables entrepreneurs. L'inaliénabilité <strong>du</strong> capital doit<br />
empêcher que celui-ci ne devienne entre les mains des associés originaires un moyen<br />
d'exploitation.<br />
Ces associations ouvrières doivent rester libres, ne rien devoir ni rien demander à<br />
l'État. Tout au contraire, pour les <strong>ouvrier</strong>s des usines, « qui sont, dit Buchez, les véritables<br />
rouages d'une machine », l'intervention de l'État est nécessaire. Des syndics,<br />
nommés par des délégués des <strong>ouvrier</strong>s et des fabricants et présidés par un représentant<br />
de l'État, auront pour fonction de s'occuper <strong>du</strong> placement, des caisses de secours, <strong>du</strong><br />
jugement de tous les conflits, mais surtout de fixer le tarif des salaires : nul <strong>ouvrier</strong> ne<br />
pourra accepter un salaire inférieur à celui <strong>du</strong> tarif général.<br />
Buchez, sur un seul point, admet l'intervention de l'État pour les associations ouvrières.<br />
Il prévoit des banques d'État qui fourniraient <strong>du</strong> crédit aux associations ouvrières<br />
de pro<strong>du</strong>ction.<br />
Pierre Leroux, prote d'imprimerie sous la Restauration, fondateur <strong>du</strong> Globe qu'il<br />
donne aux Saint-Simoniens, puis directeur de la Revue Encyclopédique, est appelé, en<br />
1833, avec son collaborateur Reynaud, par la Société des Droits de l'Homme, à départager<br />
les chefs républicains divisés sur le credo à adopter ; c'est lui aussi qui rédige<br />
le tract sur l'é<strong>du</strong>cation publié par la S. D. H. C.<br />
Esprit fumeux ; mais. il n'y a pas de fumée sans feu. Le pratique Sainte-Beuve ne<br />
perdrait pas son temps à écouter Pierre Leroux s'il ne pouvait en tirer profit : « Leroux<br />
a toujours des idées nouvelles ; c'est ma vache à lait ! » Son influence, incontestable<br />
dans les milieux des républicains et des réformateurs, tient sans doute aux contours<br />
flous de ses doctrines d'autant plus faciles à adopter que, dans cet arc-en-ciel, on peut<br />
choisir la nuance opportune. Elle s'explique plus encore par la sympathie immédiate<br />
que suscitent son ingénuité et sa générosité physique. Dans le portrait qu'il trace de<br />
lui, Martin Nadaud a su découvrir le secret de cette sympathie : il dépeint Pierre Leroux,<br />
secouant son immense crinière et parlant avec une chaleur rayonnante et une<br />
flamme que ses yeux communiquent à ses auditeurs. Alors que les idéologues sont si<br />
souvent avares, Pierre Leroux trouve tout naturel que « ceux qui ont donnent à ceux<br />
qui n'ont pas » ; et il donne lui aussi, avec prodigalité, ce qu'il a, les idées qui jaillissent<br />
d'une pensée toujours en <strong>mouvement</strong>. Cette générosité naturelle et verbale lui a<br />
permis d'exercer une influence certaine sur l'évolution de la doctrine républicaine ; il<br />
fait pénétrer dans l'esprit des républicains et notamment de Cavaignac, cette idée que,<br />
pour être une réalité vivante, la république doit être sociale : « la vraie république,