Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871
Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871
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Édouard Dolléans, <strong>Histoire</strong> <strong>du</strong> <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong>, <strong>Tome</strong> I : <strong>1830</strong>-<strong>1871</strong> (1948) 38<br />
employés ont dirigé l'insurrection, et l'un d'eux a succombé dans le combat avec la<br />
troupe. A Lille, les <strong>ouvrier</strong>s seuls, au nombre de 10 000, à l'encontre des fabricants,<br />
ont assuré le succès de la Révolution.<br />
À Bordeaux, on ferme les chais, on congédie les <strong>ouvrier</strong>s ; à Lyon, les fabricants<br />
ont décidé la fermeture générale des ateliers. Les marchands ont envoyé leurs commis<br />
pour arrêter les métiers et donner l'ordre aux <strong>ouvrier</strong>s de se rendre sur la place publique<br />
afin de seconder le <strong>mouvement</strong>, sous peine de privation d'ouvrage à l'avenir pour<br />
quiconque n'y prendrait pas part.<br />
Grâce à la classe ouvrière, la bourgeoisie in<strong>du</strong>strielle et commerçante a pu s'emparer<br />
<strong>du</strong> pouvoir. Les <strong>ouvrier</strong>s attendent leur récompense. Ils croient pouvoir l'espérer.<br />
N'a-t-on pas fraternisé sur les barricades ? Le 30 juillet, Le National n'a-t-il pas déclaré<br />
« C'est le peuple qui a tout fait depuis trois jours; il a été puissant et sublime ; c'est<br />
lui qui a vaincu ; c'est pour lui que devront être tous les résultats de la lutte. »<br />
Le peuple a tout fait, c'est lui qui a vaincu. Pour toute reconnaissance, on lui offre<br />
de l'argent, qu'il refuse. « Presque personne, dit O. Festy, ne se douta, au lendemain<br />
des journées de Juillet, que la conséquence logique de la Révolution était une certaine<br />
émancipation, à la fois politique et économique, des <strong>ouvrier</strong>s qui y avaient tenu le<br />
premier rôle ; ou, tout au moins, que le germe venait d'être semé d'un nouveau régime<br />
social... 17 »<br />
Personne. Si pourtant, les Saint-Simoniens ; mais les seuls Saint-Simoniens. Bazard,<br />
dans la nuit <strong>du</strong> 29 au 30 juillet, s'est ren<strong>du</strong> auprès de Lafayette ; mais il s'est<br />
trouvé en face d'un homme dont la surdité était commune à toute la classe qui arrivait<br />
au pouvoir.<br />
Dans sa lettre <strong>du</strong> 1 er août, Enfantin dégage la philosophie des journées de Juillet :<br />
« Qui a vaincu ? c'est la classe pauvre, la classe la plus nombreuse, celle des prolétaires...<br />
le peuple, en un mot. Ceux qui avaient vaincu (le peuple) avaient leurs armes ;<br />
ceux qui ne s'étaient pas battus commençaient à prendre les leurs. [Pas un homme ne<br />
s'est trouvé] pour lui commander la résistance à toute restauration d'un ordre social<br />
qui vient d'être renversé... Le peuple n'avait pas de chefs ; les bourgeois pouvaient<br />
encore dormir en paix... La révolte sainte qui vient de s'opérer ne mérite pas le nom de<br />
révolution ; rien de fondamental n'est changé dans l'organisation sociale actuelle ;<br />
quelques noms, des couleurs, le blason national, des titres, quelques modifications<br />
législatives... telles sont les conquêtes de ces jours de deuil et de gloire. » (L'Organisateur<br />
<strong>du</strong> 15 Août.)<br />
Rien de changé en effet pour la classe des travailleurs. La bourgeoisie in<strong>du</strong>strielle<br />
et commerçante, sous le nom de Louis-Philippe, va gouverner en toute liberté. Les<br />
ministres, les Thiers et les Guizot. seront plus hostiles au peuple que les hommes de la<br />
Restauration. Ils ne rencontrent, au lendemain des journées de Juillet, aucune résistance,<br />
pas même celle <strong>du</strong> parti républicain. Cavaignac a dit à Duvergier de Hauranne :<br />
17<br />
O. FESTY, Le <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong> au début de la Monarchie de Juillet entre <strong>1830</strong> et 1834, p. 35.<br />
Paris, Cornély, 1908.