12.12.2012 Views

Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871

Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871

Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

Édouard Dolléans, <strong>Histoire</strong> <strong>du</strong> <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong>, <strong>Tome</strong> I : <strong>1830</strong>-<strong>1871</strong> (1948) 253<br />

Le premier parmi les militants <strong>ouvrier</strong>s, Eugène Varlin a eu la vision précise des<br />

idées et des méthodes <strong>du</strong> socialisme révolutionnaire, tel qu'il va s'affirmer en France à<br />

partir de 1892 et de 1895, sous l'influence d'abord de Fernand Pelloutier. Varlin est le<br />

précurseur direct des Pelloutier, des Griffuelhes et des Merrheim.<br />

Dans les articles qu'il donne à la presse, comme dans ses discours aux réunions<br />

ouvrières, dans Le Travail, dans La Marseillaise et dans les journaux romands, dans<br />

Le Progrès <strong>du</strong> Locle et L'Égalité, Varlin développe déjà tout ce que contiennent les<br />

formules de Pelloutier : il veut « révéler aux <strong>ouvrier</strong>s leur propre capacité, leur apprendre<br />

à vouloir, les instruire par l'action ». Car l'action qui se développe dans le<br />

cadre des institutions ouvrières autonomes est é<strong>du</strong>catrice.<br />

Parce qu'elle réclame d'eux un effort et un héroïsme quotidiens, la lutte éprouve le<br />

caractère des travailleurs, comme l'administration des sociétés ouvrières les forme à la<br />

gestion. Aux yeux de Varlin, en effet, « la classe <strong>du</strong> travail » doit apporter à la Société<br />

« un élément de régénération ». En luttant contre le patronat et contre l'État traditionnel,<br />

la classe <strong>du</strong> travail affirme sa volonté d'organiser librement la pro<strong>du</strong>ction et<br />

d'exclure de l'usine toute autorité extérieure au monde <strong>du</strong> travail. Elle affirme aussi sa<br />

volonté d'édifier un droit nouveau. La conquête de ce droit exige des vertus d'en<strong>du</strong>rance,<br />

de courage et souvent d'héroïsme ; grâce à celles-ci s'établit peu à peu une morale<br />

ouvrière. Car des institutions nouvelles restent inefficaces sans l'esprit des hommes<br />

qui les animent. Ce sont ces idées que Varlin a exprimées d'une façon précise,<br />

notamment dans deux articles de La Marseillaise de janvier et de mars 1870 106 :<br />

« ... La richesse sociale ne peut assurer le bien-être de l'humanité qu'à la condition<br />

d'être mise en oeuvre par le travail. Qui donc fera fructifier les capitaux collectifs à<br />

l'avantage de tous ? Qui en un mot, va organiser la pro<strong>du</strong>ction et la répartition des<br />

pro<strong>du</strong>its ? A moins de vouloir tout ramener à un État centralisateur et autoritaire, ...et<br />

d'arriver ainsi à une organisation hiérarchique de haut en bas <strong>du</strong> travail, dans laquelle<br />

le travailleur ne serait plus qu'un engrenage inconscient sans liberté et initiative...<br />

Nous sommes forcés d'admettre que les travailleurs eux-mêmes, doivent avoir la libre<br />

disposition, la possession de leurs instruments de travail, sous la condition d'apporter<br />

à l'échange leurs pro<strong>du</strong>its au prix de revient, afin qu'il y ait réciprocité de services<br />

entre les travailleurs des différentes spécialités. C'est cette idée qui a prévalu dans les<br />

différents congrès de l'Association Internationale des Travailleurs. Une telle organisation<br />

ne peut s'improviser de tous points. Il ne suffit pas, pour cela, de quelques<br />

hommes intelligents, dévoués, énergiques. Il faut surtout que les travailleurs, appelés<br />

ainsi à travailler ensemble librement et sur le pied d'égalité, soient déjà préparés à la<br />

vie sociale. »<br />

Les sociétés ouvrières habituent les hommes à la vie de société et les préparent à<br />

une organisation sociale plus éten<strong>du</strong>e. Elles les habituent « à s'accorder et à s'entendre<br />

et à raisonner de leurs intérêts matériels et moraux toujours au point de vue collectif ».<br />

106<br />

La Marseillaise : La présidence des Sociétés de secours mutuels (20 janvier 1870) et Les sociétés<br />

ouvrières (11 mars 1870).

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!