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Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871

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Édouard Dolléans, <strong>Histoire</strong> <strong>du</strong> <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong>, <strong>Tome</strong> I : <strong>1830</strong>-<strong>1871</strong> (1948) 19<br />

que année de nouvelles maisons pour les <strong>ouvrier</strong>s de la fabrique, et ces maisons sont à<br />

peine élevées que la misère les remplit d'habitants 7 .<br />

Les <strong>ouvrier</strong>s travaillent réunis dans des ateliers insalubres. Dans les filatures<br />

de coton, l'air est souvent irrespirable, l'hygiène et l'organisation de la sécurité,<br />

inexistante ; la phtisie cotonneuse sévit parmi les <strong>ouvrier</strong>s occupés au battage <strong>du</strong><br />

coton brut.<br />

L'organisation <strong>du</strong> travail n'est pas plus favorable pour les autres catégories d'<strong>ouvrier</strong>s<br />

travaillant dans des ateliers ; notamment pour les <strong>ouvrier</strong>s en soie. Villermé<br />

raconte qu'à Nîmes, dans un atelier de triage de soie où il y avait 4 fourneaux ou<br />

bassines, il a vu travailler, pour un salaire de 8 à 18 sous par jour, une vieille femme<br />

bossue et 3 jeunes filles dont 2 contrefaites, qui servaient chacune de moteurs pour<br />

tourner les dévidoirs.<br />

De telles conditions de travail sont plus <strong>du</strong>res encore pour les enfants.<br />

« [À Lyon], des enfants très jeunes sont placés au rouet destiné à faire les canettes<br />

; là, constamment courbés, sans <strong>mouvement</strong>s, sans pouvoir respirer un air pur et<br />

libre, ils contractent des irritations qui deviennent par la suite des maladies scrofuleuses<br />

; leurs faibles membres se contournent, et leur épine dorsale se dévie ; ils s'étiolent,<br />

et, dès leurs premières années, sont ce qu'ils devront être souvent toujours, débiles<br />

et valétudinaires. D'autres enfants sont occupés à tourner des roues qui mettent en<br />

<strong>mouvement</strong> de longues mécaniques à dévider ; la nutrition des bras s'accroît aux dépens<br />

de celle des jambes, et ces petits malheureux ont souvent les membres inférieurs<br />

déformés 8 »<br />

Villermé estime que, si le travail de dévideurs de trames et de porteurs de bobines<br />

n'exige guère de la part des enfants qu'une simple surveillance, pour tous, la fatigue<br />

résulte d'une station debout beaucoup trop prolongée. Les enfants restent 16 à 17 heures<br />

debout, chaque jour, dans une pièce fermée, sans pouvoir changer de place ou<br />

d'attitude : « Ce n'est pas un travail à la tâche, c'est une torture ; on l'inflige à des enfants<br />

de 6 à 8 ans, mal nourris, mal vêtus, obligés de parcourir, dès 5 heures <strong>du</strong> matin,<br />

la longue distance qui les sépare des ateliers, à laquelle s'ajoute le soir le retour des<br />

mêmes ateliers. Il en résulte une mortalité infantile excessivement élevée. »<br />

Surmenage précoce et sous-alimentation continue ont pour résultat de fabriquer<br />

des êtres physiquement mutilés pour la vie. Norbert Truquin, dans ses Mémoires et<br />

aventures d'un prolétaire, constate que « l'hygiène des ateliers, la poussière (des soies<br />

ou des déchets de coton) qu'ils respirent contribuent à détruire la santé des tisseurs<br />

a<strong>du</strong>ltes : leur corps débile marque chaque année, au conseil de révision, le déchet<br />

d'une race surmenée et sous-alimentée. »<br />

7 VILLERMÉ, op. cit., tome I, p. 28.<br />

8<br />

J.-.B. MONFALCON, <strong>Histoire</strong> des insurrections de Lyon, p. 30, Lyon, Louis Perrin, et Paris,<br />

Delaunay, juin 1834.

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