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Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871

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Édouard Dolléans, <strong>Histoire</strong> <strong>du</strong> <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong>, <strong>Tome</strong> I : <strong>1830</strong>-<strong>1871</strong> (1948) 233<br />

des milices nationales, moyen le plus efficace de détruire à jamais la prépondérance<br />

de la force brutale sur la puissance intellectuelle et morale des peuples. Désarmement<br />

général ; organisation des milices, telle est la devise inscrite sur notre drapeau. »<br />

Cette déclaration condense les thèses <strong>du</strong> mémoire parisien au Congrès de Genève.<br />

Et elle est en harmonie avec les idées <strong>du</strong> plus remarquable parmi les Saint-Simoniens<br />

libéraux. Michel Chevalier se fait l'interprète de préoccupations parallèles, le 1 er juin<br />

1866, dans la Revue des Deux Mondes, lorsqu'à propos de La Guerre et la Crise européenne,<br />

il écrit ces lignes clairvoyantes et courageuses :<br />

« En France, s'il le fallait, il n'y aurait qu'à frapper <strong>du</strong> pied la terre pour en faire<br />

sortir une armée innombrable et dévouée d'<strong>ouvrier</strong>s et de paysans qui se précipiteraient<br />

à la frontière, comme la France entière le fit au temps de Valmy, de Jemmapes<br />

et de Fleurus ; mais de nos jours, et dans ces derniers temps, l'<strong>ouvrier</strong> et le paysan ont<br />

dépouillé l'humeur agressive contre l'étranger. Ils bénissent la paix comme l'instrument<br />

de leurs progrès... De nos jours ils ont assez vu et assez réfléchi pour savoir que<br />

la guerre, outre qu'elle leur prend leurs fils pour les immoler, tarit, en s'appropriant les<br />

capitaux pour les dévorer, la source <strong>du</strong> travail dont ils subsistent et celle de la prospérité<br />

publique, qui fait leur bien-être, et détruit la matière première des améliorations<br />

publiques, dont l'espoir les soutient et les anime. »<br />

Les antagonismes entre les peuples ne sont que la cause apparente des guerres ; le<br />

Bureau de Paris montre que les questions de prestige national ne sont qu'un prétexte :<br />

la cause profonde, ce sont les intérêts des oligarchies qui dominent les gouvernements.<br />

En ces années 1866 et 1867, les <strong>ouvrier</strong>s parisiens et les hommes les plus lucides<br />

de la bourgeoisie pressentent que lentement, sourdement se forme le conflit francoallemand.<br />

Dans ses notes quotidiennes Ludovic Halévy fait souvent une discrète et<br />

parfois une précise allusion aux événements qui menacent la France. Il voit que l'Empereur<br />

ne saura ni les prévoir ni les prévenir parce que « comme le chasseur qui rentre<br />

bredouille », il ne songe qu'à sauver son prestige en achetant un lièvre au marché.<br />

Un artiste a tra<strong>du</strong>it cette angoisse d'une partie de la France. Le même homme, qui,<br />

trente années auparavant, avait exprimé la révolte des cœurs justes contre le massacre<br />

de la rue Transnonain. De 1866 à <strong>1871</strong>, Honoré Daumier, dans Le Charivari, prend<br />

pour thème préféré les relations entre les nations européennes et les illusions de la<br />

paix armée. Voici la guerre et la paix jouant une partie de volant : le volant, c'est l'Europe<br />

; l'enjeu, des vies humaines.<br />

Comme les militants <strong>ouvrier</strong>s et comme Michel Chevalier, Honoré Daumier a exprimé<br />

les sentiments des Français que leur passion partisane, leur parti pris ou leur<br />

intérêt n'aveuglait pas.

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