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Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871

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Édouard Dolléans, <strong>Histoire</strong> <strong>du</strong> <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong>, <strong>Tome</strong> I : <strong>1830</strong>-<strong>1871</strong> (1948) 142<br />

quet <strong>du</strong> XII e arrondissement Goudchaux s'élève contre « l'exploitation de l'homme<br />

par l'homme » et réclame l'organisation <strong>du</strong> travail.<br />

L'organisation <strong>du</strong> travail ! De juin à août, dans la Revue <strong>du</strong> Progrès, Louis Blanc<br />

publie les articles qu'en septembre, il réunira en une brochure. Louis Blanc n'a pas<br />

inventé la formule, elle était monnaie courante depuis les Saint-Simoniens<br />

Mais la participation d'un certain nombre d'<strong>ouvrier</strong>s aux banquets organisés par les<br />

républicains n'a qu'une importance secondaire en cette année 1840.<br />

Dans l'histoire <strong>du</strong> <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong>, l'année 1840 est caractérisée par un <strong>mouvement</strong><br />

corporatif de grèves, à Paris ; ce <strong>mouvement</strong>, de large envergure, affirme des<br />

revendications qui forment un premier programme de législation <strong>du</strong> travail.<br />

La crise économique était devenue plus aiguë en 1839.<br />

« En décembre 1839, écrit Proudhon à Pérennès, il y a 30 000 tailleurs à Paris, qui<br />

ne font rien ; autant à proportion des autres états ; on porte à 150 000 le nombre des<br />

<strong>ouvrier</strong>s sans ouvrage. Comment vivent-ils ? C'est un mystère, ce ne sont pas toujours<br />

les mêmes qui chôment ; mais ils travaillent tour à tour, un jour, deux jours par semaine,<br />

sans que cette succession ait d'ailleurs rien de fixe... Lorsqu'ils ont gagné 3<br />

francs, 4 francs, 6 francs le besoin de se restaurer les con<strong>du</strong>it aux barrières ; là ils ne<br />

font pas bamboche, ce serait inexact ; ils mangent <strong>du</strong> veau et <strong>du</strong> pain et boivent un<br />

litre à 10 sous. Comme ils se réunissent pour faire cette ripaille, ils y passent la journée,<br />

n'ayant d'ailleurs rien à faire, chantant des chansons républicaines, et le lendemain<br />

se remettent au jeûne. 5 sous, 4 sous, 1 sou même de pain leur suffit par jour.<br />

L'estomac bientôt délabré par ce régime, ils gagnent une affection de poitrine et vont<br />

mourir à l'hôpital... Leur exaltation révolutionnaire me semble aujourd'hui voisine <strong>du</strong><br />

désespoir. Ils savent que le plan de Paris est tiré par le gouvernement de manière à<br />

occuper subitement tous les points de Paris à la première émeute. Ils savent qu'ils ne<br />

peuvent se soulever aujourd'hui sans être par milliers massacrés. C'est cette impuissance<br />

même qui les rend plus terribles. J'en ai vu qui, après la lecture <strong>du</strong> dernier ouvrage<br />

de Lamennais, demandaient des fusils et voulaient marcher à l'instant. La promesse<br />

qu'on leur a faite de les employer bientôt, seule, les retient. Du reste, ils n'aiment<br />

ni Laffitte, ni Arago, ni les réformateurs de journaux et de tribune : ils parlent de<br />

massacrer le premier qui, n'ayant pas combattu, leur parlera de modération, d'ordre ou<br />

de respect des propriétés... C'est une violence enragée, entretenue par la misère où ils<br />

se voient, l'incurie des gouvernants et les interminables déclarations des hommes qui<br />

se disent républicains... Ils regardent comme des aristocrates ambitieux ceux qui les<br />

flattent et leur font des promesses républicaines : mais il leur manque un O'Connell.<br />

Les tailleurs montrent en général beaucoup d'intelligence 49 . »<br />

La crise économique se prolonge pendant les premiers mois de 1840. La cherté<br />

des grains provoque des désordres : des coalitions éclatent. Grève des <strong>ouvrier</strong>s <strong>du</strong> port<br />

<strong>du</strong> Havre, des charpentiers à Lillebonne, grèves des mineurs à Rives-de-Gier et à Lodève<br />

contre les ré<strong>du</strong>ctions de salaires.<br />

49 Correspondance, tome I er , p. 163, le 16 décembre 1839.

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