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Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871

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Édouard Dolléans, <strong>Histoire</strong> <strong>du</strong> <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong>, <strong>Tome</strong> I : <strong>1830</strong>-<strong>1871</strong> (1948) 181<br />

Le 25 février, le gouvernement provisoire, dont Proudhon dira : « Il n'a pas su,<br />

voulu, osé », se trouve à l'Hôtel de Ville ; la foule se presse autour de lui. Un <strong>ouvrier</strong>,<br />

Marche, réclame le droit au travail. Lamartine offre un discours, mais il est interrompu<br />

par un : « Assez de phrases ! le peuple attend ! »<br />

L'Hôtel de Ville et les maisons sont pavoisés de rouge - le drapeau rouge, souvenir<br />

de 1793, symbole de la République sociale ; mais le drapeau tricolore l'emporte, avec<br />

cette concession inscrite dans le décret <strong>du</strong> 27 février : « Comme signe de ralliement et<br />

comme souvenir de reconnaissance pour le dernier acte de la révolution populaire, les<br />

membres <strong>du</strong> gouvernement provisoire et les autres autorités porteront la rosette rouge,<br />

laquelle sera placée aussi à la hampe <strong>du</strong> drapeau. »<br />

Le gouvernement rédige un décret qui semble reconnaître le droit au travail.<br />

Le 27 février, le gouvernement provisoire décide l'établissement d'ateliers nationaux<br />

par un décret dont l'exécution est confiée au ministre des Travaux publics ; en<br />

même temps, par la création de la garde nationale mobile, il espère, moyennant la<br />

solde de 1 fr. 50 par jour, engager un certain nombre de jeunes <strong>ouvrier</strong>s. Mais ces<br />

deux mesures semblent insuffisantes ; elles ne calment pas les impatiences d'un peuple<br />

qui se souvient encore de la déception de <strong>1830</strong>. Elles répondent mal à ses espérances.<br />

Le 28 février, des milliers de travailleurs rangés par corps de métiers, se rassemblent<br />

place de Grève ; leurs bannières portent : « Ministère <strong>du</strong> Progrès ; Organisation<br />

<strong>du</strong> Travail ; Abolition de l'exploitation de l'Homme par l'Homme. »<br />

Sous la menace de leur démission, Louis Blanc et Albert obtiennent de leurs collègues<br />

un décret créant la Commission <strong>du</strong> Gouvernement pour les Travailleurs. La<br />

Commission pour les Travailleurs va être la Commission <strong>du</strong> Luxembourg ; le président<br />

est Louis Blanc, et le vice-président, Albert, <strong>ouvrier</strong> mécanicien, dont le nom<br />

véritable est Martin et qui, comme Louis Blanc, a été élu par acclamation populaire<br />

dans la cour de l'Hôtel Bouillon, sous les fenêtres des bureaux de La Réforme. La présence<br />

d'Albert, à côté de ces bourgeois républicains, grands ou petits bourgeois, journalistes,<br />

intellectuels, et <strong>du</strong> banquier Goudchaux, marque bien ce que, dès son premier<br />

jour, la République de 1848 a eu de porte à faux.<br />

Entre eux, les hommes <strong>du</strong> gouvernement provisoire s'opposent : Arago et Lamartine<br />

contre Ledru-Rollin ; Ledru-Rollin et Flocon contre Louis Blanc ; Louis Blanc et<br />

Albert contre Corbon et les réformistes de L'Atelier ; et, contre Blanqui, la haine de<br />

Barbès... Ces hommes si différents n'ont pas de plan d'ensemble. Proudhon, dans son<br />

carnet, les juge avec une lucidité cruelle dès le 25 et le 26 février : « Beaucoup de<br />

paroles, et pas une idée ! Il n'y a rien dans les têtes, ...les têtes sont vides. » Et le 1 er<br />

mars, cette parole prophétique : « Le gouvernement, parce qu'il n'a pas d'idées, ne fait<br />

rien, ne peut rien, ne veut rien... Avec quelle facilité on va à la dictature. »<br />

Hommes de 1848, hommes assez minces d'étoffe, surtout de caractère. Construction<br />

fragile et éphémère, mais dont certains fragments, plus solidement plantés dans le<br />

sol, laisseront une trace profonde parce qu'ils inaugurent la tradition d'une législation.

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