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Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871

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Édouard Dolléans, <strong>Histoire</strong> <strong>du</strong> <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong>, <strong>Tome</strong> I : <strong>1830</strong>-<strong>1871</strong> (1948) 206<br />

Pendant la période d'essor, la hausse des salaires n'avait pas suivi la marche ascendante<br />

des prix : tandis que la hausse des prix agricoles était de 25 %, celle <strong>du</strong> salaire<br />

masculin ne s'élevait que de 14 à 19 % et celle <strong>du</strong> salaire féminin à 7,97 %.<br />

Sans doute, le développement in<strong>du</strong>striel entre 1852 et 1857 avait entraîné une<br />

hausse des salaires. Mais, en même temps, il avait provoqué une élévation <strong>du</strong> coût de<br />

la vie. Le <strong>mouvement</strong> de hausse des prix jusqu'à la crise de 1857 avait eu pour conséquence<br />

une diminution <strong>du</strong> salaire réel ; les conditions de l'existence ouvrière, au lieu<br />

de s'améliorer, avaient empiré. Les budgets <strong>ouvrier</strong>s ressentaient <strong>du</strong>rement et la<br />

hausse de l'alimentation et celle des loyers.<br />

Pendant les premières années <strong>du</strong> second Empire, les dépenses <strong>du</strong> budget <strong>ouvrier</strong><br />

deviennent plus lourdes. Selon l'annuaire statistique de la Ville de Paris, de 1853 à<br />

1863, les dépenses moyennes d'un <strong>ouvrier</strong> parisien s'élèvent, pour la nourriture, chauffage,<br />

éclairage, de 931 à 1 052 fr., et pour le seul logement de 120 à 170. Les rapports<br />

des délégués à l'Exposition de Londres en 1862 donnent des précisions sur cette élévation<br />

<strong>du</strong> coût de la vie. Celui des typographes note que « depuis 1850, le prix des<br />

loyers et des subsistances s'est accru d'au moins 50 %, tandis que mon salaire s'est à<br />

peine élevé de 9 à 10 %, donc au total 40 % de diminution de bien-être ».<br />

Le développement économique de la France pendant la première décade <strong>du</strong> second<br />

Empire est un fait incontestable. Mais cette prospérité masque un autre fait : le<br />

déficit <strong>du</strong> budget <strong>ouvrier</strong>. En face de la lumière, l'ombre.<br />

Le déficit <strong>du</strong> budget, l'insécurité de la condition ouvrière, l'effort incertain pour le<br />

pain quotidien, telles étaient déjà les conséquences de la révolution in<strong>du</strong>strielle en<br />

Grande-Bretagne. Celle-ci répète ses effets en France, entre 1852 et 1857, puis dans la<br />

décade suivante jusqu'à l'exposition de 1867, où le rapport général de Michel Chevalier<br />

résume les conséquences de cette évolution économique : l'accroissement de la<br />

pro<strong>du</strong>ctivité, l'augmentation de la pro<strong>du</strong>ction, et la baisse <strong>du</strong> coût de revient ; et, parallèlement,<br />

l'expropriation d'un certain nombre de travailleurs, le chômage périodique<br />

et la concentration des entreprises. Tous événements qui bouleversent l'existence des<br />

travailleurs, accentuent leur insécurité sans que la hausse nominale de leurs salaires,<br />

lorsqu'elle se pro<strong>du</strong>it, se tra<strong>du</strong>ise par une hausse de leur salaire réel.<br />

Dans ses Mémoires d'un Ouvrier de Paris, Audiganne écrit, à propos de cette<br />

évolution à laquelle il avait consacré diverses études sur L'In<strong>du</strong>strie contemporaine<br />

(1856) et sur Les Populations ouvrières et les In<strong>du</strong>stries en France (1859) :<br />

« On dirait une continuelle succession de changements à vue : les usines et les fabriques<br />

ont été véritablement transformées. Ainsi les exigences économiques ont<br />

poussé l'in<strong>du</strong>strie vers l'agglomération de capitaux immenses et la possession d'un<br />

matériel extrêmement puissant... De cette constitution manufacturière et commerciale<br />

si énergique et si absorbante, il est résulté pour le travail des conditions nouvelles. En<br />

face de ces puissantes unités, de ces associations colossales, où l'anonymat doit aller

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