Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871
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Édouard Dolléans, <strong>Histoire</strong> <strong>du</strong> <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong>, <strong>Tome</strong> I : <strong>1830</strong>-<strong>1871</strong> (1948) 138<br />
À la Société des Saisons comme aux Légions Révolutionnaires et aux Phalanges<br />
démocratiques, les doctrines babouvistes dominent. L'aventure de Babeuf hante Blanqui.<br />
Blanqui, fils d'un conventionnel, arrive à Paris en 1822, à 17 ans, pour assister à<br />
l'exécution des quatre sergents de La Rochelle : il jure de venger ces martyrs de la<br />
Liberté. A Paris, il étudie le droit et la médecine, adhère à la Charbonnerie, est blessé<br />
d'une balle au cou, lors de l'émeute de novembre 1827.<br />
Il collabore à la rédaction <strong>du</strong> Globe et prend part aux journées de juillet. Membre<br />
de la Société des Amis <strong>du</strong> Peuple, en janvier 1832, au procès des Quinze, Blanqui<br />
répond au magistrat qui lui demande : « Quel est votre état ? - Prolétaire. - Ce n'est<br />
pas un état. - C'est l'état de 30 millions de Français qui vivent de leur travail et sont<br />
privés de leurs droits politiques. »<br />
Blanqui a emprunté à Babeuf sa conception de l'action révolutionnaire : mais sa<br />
pensée ne peut être ré<strong>du</strong>ite à des formules babouvistes.<br />
Par sa vision de la spontanéité sociale et de la nécessité des contrepoids entre les<br />
forces sociales, Blanqui rejoint Proudhon : sa conception pluraliste est celle de certains<br />
philosophes modernes.<br />
Mais, pour la légende, Blanqui reste l'homme <strong>du</strong> coup de main. Dès le 23 janvier<br />
1831, dans Le Globe, il affirme sa foi en l'action révolutionnaire : « En fait de liberté,<br />
il ne faut pas attendre, il faut prendre. » Blanqui veut suivre l'exemple de Babeuf :<br />
« L'insurrection est une oeuvre pratique qui exige une technique et qu'il faut savoir. »<br />
Dans Les Instructions pour une prise d'armes, il dit : « Il faut encore le répéter : la<br />
condition sine qua non de la victoire, c'est l'organisation de l'ensemble, l'ordre et la<br />
discipline. Il est douteux que les troupes résistent longtemps à une insurrection organisée<br />
et agissant avec tout l'appareil d'une force gouvernementale. »<br />
La Révolution se fera à Paris. La dictature révolutionnaire voulue par Babeuf sera<br />
instituée : le Comité Révolutionnaire de Salut Public gardera le pouvoir aussi longtemps<br />
qu'il sera nécessaire « pour mettre la nation en pleine possession de la liberté,<br />
malgré la corruption qui est la suite de son ancien esclavage ».<br />
Un groupe d'<strong>ouvrier</strong>s, d'employés, d'étudiants et de journalistes avaient fondé en<br />
1832, à Paris, une association : ils se réunissaient dans un petit restaurant de la rue<br />
Tirechappe n° 7, quelques maisons avant celle où habitait l'<strong>ouvrier</strong> cordonnier Efrahem.<br />
En 1834, cette petite société se transforme et prend pour nom : La Fédération<br />
des Bannis, avec un programme semblable à celui de la Société des Droits de<br />
l'Homme.<br />
La Fédération des Bannis est partagée entre les mêmes tendances démocrates et<br />
babouvistes. Son théoricien, Théodore Schuster, doit beaucoup aux Saint-Simoniens<br />
et à Sismondi. La technique moderne con<strong>du</strong>it à une société où règnent la concentration<br />
des richesses et la prolétarisation progressive : « l'opposition de deux classes tous<br />
les jours s'accentue davantage : celle des riches qui consomment et ne pro<strong>du</strong>isent rien,<br />
celle des pauvres qui pro<strong>du</strong>isent tout et sont frustrés de tout ». La révolution technique