Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871
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Édouard Dolléans, <strong>Histoire</strong> <strong>du</strong> <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong>, <strong>Tome</strong> I : <strong>1830</strong>-<strong>1871</strong> (1948) 251<br />
Eugène Varlin appartient à une famille de cultivateurs de Claye, en Seine-et-<br />
Marne. Son père, qui ne possède que quelques arpents de vigne, exerce à Voisins le<br />
métier d'<strong>ouvrier</strong> agricole. A treize ans, Eugène Varlin vient à Paris, en apprentissage<br />
chez un frère de sa mère, Hippolyte Duru, relieur, 16, rue des Prouvaires. Cet oncle<br />
lui propose de lui céder son fonds à condition qu'il se marie ; Varlin lui répond qu'il a<br />
sa famille toute faite, celle des « opprimés ». Sa vocation est l'apostolat. Sa nièce,<br />
Mlle Proux, a pu dire de lui à Maurice Foulon : « il donnait tout et n'avait rien qui lui<br />
appartînt en propre ».<br />
Comme il faut vivre, il travaille d'abord dans différents ateliers ; puis, en 1862, il<br />
s'installe à l'Hôtel d'Aubusson, 33, rue Dauphine, pour exercer son métier, en exécutant<br />
<strong>du</strong> travail à domicile. Avec son ami Delacour, à 18 ans, dès 1857, il avait fondé la<br />
Société civile des relieurs. Varlin fait partie de la Commission ouvrière élue pour organiser,<br />
en 1861, la délégation ouvrière à l'Exposition de Londres. En août 1864, il<br />
prend une part active à une première grève des relieurs qui a pour objet la ré<strong>du</strong>ction<br />
de la journée de travail de 12 à 10 heures.<br />
Dans une circulaire <strong>du</strong> 26 août 1865, adressée aux maîtres et <strong>ouvrier</strong>s relieurs,<br />
Varlin précise les raisons vitales qui justifient la ré<strong>du</strong>ction de la <strong>du</strong>rée <strong>du</strong> travail. S'il<br />
place cette revendication avant même la question <strong>du</strong> salaire, c'est qu'elle est à ses yeux<br />
d'une importance première au point de vue <strong>du</strong> développement de l'é<strong>du</strong>cation des masses<br />
- objectif essentiel <strong>du</strong> <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong>. Et Varlin trace déjà le cadre général de<br />
l'action ouvrière :<br />
« Le développement de l'in<strong>du</strong>strie doit avoir pour résultat l'augmentation <strong>du</strong> bienêtre<br />
de tous. La pro<strong>du</strong>ction augmentant chaque jour par l'extension de l'emploi des<br />
machines, le riche ne suffit plus à la consommation ; il faut donc que l'<strong>ouvrier</strong> devienne<br />
consommateur et, pour cela, il lui faut un salaire assez élevé pour acquérir, et<br />
le temps nécessaire pour pouvoir posséder... Le fait matériel de l'augmentation <strong>du</strong><br />
labeur par l'emploi de nouvelles machines et de moyens plus expéditifs de travailler<br />
suffirait pour demander une ré<strong>du</strong>ction de travail nécessaire au repos <strong>du</strong> corps ; mais<br />
l'esprit et le cœur en ont surtout besoin... l'instruction nous est ren<strong>du</strong>e impossible par<br />
l'emploi de notre journée... la famille pour nous aurait aussi ses charmes et sa puissance<br />
moralisante... Les devoirs <strong>du</strong> père de famille, les besoins <strong>du</strong> ménage, les joies<br />
de l'intérieur nous sont impossibles et inconnues, l'atelier absorbe nos forces et toutes<br />
nos heures 104 . »<br />
En septembre 1865, Varlin accompagne à Londres Tolain, Fribourg bourg et Limousin.<br />
Eugène Varlin, dès cette époque, en dépit de sa timidité, possède déjà, parmi les<br />
diverses associations ouvrières de Paris, une autorité qui, en 1867, le fait désigner<br />
comme le représentant des corporations ouvrières au Bureau de Paris.<br />
104 Cette première grève réussit partiellement, mais une seconde échoue en septembre 1865. Varlin,<br />
qui a emprunté pour venir au secours des familles victimes de la grève, arrive à rembourser, en<br />
deux ans, les 4 000 fr. qui restent <strong>du</strong>s.