Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871
Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871
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Édouard Dolléans, <strong>Histoire</strong> <strong>du</strong> <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong>, <strong>Tome</strong> I : <strong>1830</strong>-<strong>1871</strong> (1948) 54<br />
On mettait ainsi en présence deux, ennemis dont le moindre geste pouvait être mal<br />
interprété. »<br />
Les gardes nationaux sont accueillis à coups de pierre. Le préfet et le général Ordonneau<br />
sont faits prisonniers. Au commandant d'un détachement de troupe qui fait<br />
les sommations, les canuts répondent : « Le tarif ou la mort ! » Sur l'ordre <strong>du</strong> général<br />
Roguet, qui commande la garnison, les soldats ouvrent le feu.<br />
Certains chefs d'atelier, qui appartiennent à la Garde nationale, ont donné des fusils<br />
aux canuts. Au nombre d'une cinquantaine, ils descendent la Grand'Côte, suivis de<br />
plusieurs centaines d'<strong>ouvrier</strong>s porteurs de sabres ou d'étais arrachés aux métiers. Au<br />
bas de la Côte ils rencontrent des gardes nationaux. Les canuts les désarment. Une<br />
poignée d'hommes armés et résolus suffit pour tenir en échec des troupes nombreuses.<br />
Les soldats se battent mollement. Sur les 12 000 gardes nationaux, 1 200 à peine<br />
ont répon<strong>du</strong> à leur convocation ; ceux de la Croix-Rousse se sont en partie ralliés aux<br />
canuts. Et d'autres se laissent désarmer sans opposer de résistance ; des soldats <strong>du</strong><br />
génie se sont aussi laissé désarmer par un groupe d'insurgés, parmi lesquels se trouvent<br />
des femmes et des enfants. La ligne hésite à tirer sur les <strong>ouvrier</strong>s. Dans certains<br />
quartiers, les habitants lui sont hostiles.<br />
Le soir de cette première journée pendant laquelle ils ont eu l'avantage, les <strong>ouvrier</strong>s<br />
donnent la liberté au préfet Bouvier <strong>du</strong> Molart. Pour le général Ordonneau, ils<br />
le retiennent jusqu'à ce que les canuts prisonniers leur soient ren<strong>du</strong>s en échange.<br />
Dans la nuit <strong>du</strong> 22, les faubourgs des Brotteaux et de la Guillotière envoient à la<br />
Croix-Rousse un renfort de 500 <strong>ouvrier</strong>s. Cette aide fait naître l'espoir d'un soulèvement<br />
général. Dans les faubourgs <strong>ouvrier</strong>s, le travail a complètement cessé.<br />
Le matin <strong>du</strong> 22, les canuts de la Croix-Rousse décidés à descendre dans la ville,<br />
inscrivent sur leur drapeau : « Vivre libres en travaillant ou mourir en combattant. »<br />
Le général Roquet a fait mettre en position des pièces de canon qui visent les cimes de<br />
la Grand'Côte. Les canuts, dans leur descente sur la ville, rencontrent la troupe. Un<br />
combat s'engage. L'insurrection a gagné la Guillotière, les Brotteaux, puis la ville entière.<br />
Le soir <strong>du</strong> 22 novembre, il y a des milliers d'<strong>ouvrier</strong>s sous les armes. Le général<br />
Roquet ordonne à ses troupes la retraite : l'armée quitte la ville en se battant. A 3 heures<br />
<strong>du</strong> matin, le 23, les <strong>ouvrier</strong>s entrent à l'Hôtel de Ville. Les canuts ont combattu<br />
avec courage et avec humanité : « Quand tombent leurs ennemis, les <strong>ouvrier</strong>s prennent<br />
leurs armes et ne font pas de mal aux blessés... ». « Les malheureux <strong>ouvrier</strong>s, dit<br />
A. Baron, étaient acharnés au combat et généreux après la victoire... Place des Cordeliers,<br />
ils mettent en fuite un détachement de la Garde nationale, entourent deux officiers<br />
et les accompagnent chez eux sans leur faire <strong>du</strong> mal... On a vu des femmes d'<strong>ouvrier</strong>s,<br />
nouvelles Spartiates, panser les leurs sur le lieu même <strong>du</strong> combat, ranimer leur<br />
courage et les renvoyer au feu... On a remarqué que les plus acharnés ou les plus au-