Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871
Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871
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Édouard Dolléans, <strong>Histoire</strong> <strong>du</strong> <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong>, <strong>Tome</strong> I : <strong>1830</strong>-<strong>1871</strong> (1948) 303<br />
Mais ces paroles ne peuvent toucher Thiers. N'ayant pas choisi entre la royauté et<br />
la république, se réservant de prendre le parti le plus favorable à son ambition, il n'a<br />
encore qu'une volonté ré<strong>du</strong>ire la Commune à sa merci.<br />
Thiers cherche d'abord à isoler Paris et à le compromettre aux yeux des provinciaux<br />
: « A Paris, télégraphie Thiers, la Commune déjà divisée, essayant de semer<br />
partout de fausses nouvelles, pillant les caisses publiques, s'agite impuissante et elle<br />
est en horreur aux Parisiens qui attendent avec impatience le moment d'être délivrés...<br />
Les Internationaux vident les principales maisons pour les mettre en vente. »<br />
Or, Thiers ment et il ment sciemment, car il sait que la Commune n'a pas touché à<br />
la Banque de France : « Toutes les insurrections ont commencé par saisir la Caisse, la<br />
Commune est la seule qui ait refusé, dit Lissagaray, et on doit ajouter, toutes les insurrections,<br />
quelles que fussent leurs couleurs. »<br />
Le 2 avril, Thiers annonce officiellement qu'il achève d'organiser une des plus<br />
belles armées que la France ait jamais possédées : « Les bons citoyens peuvent se<br />
rassurer et espérer la fin de la lutte, qui aura été douloureuse, mais courte. »<br />
Le 4 avril, Le Temps suggère l'idée d'un compromis réalisé par la démission simultanée<br />
de l'Assemblée et de la Commune.<br />
Le 6, l'Union nationale des Chambres syndicales, représentant 7 000 commerçants<br />
et in<strong>du</strong>striels de Paris, se décide à intervenir. Tandis qu'un groupe de députés, Corbon,<br />
Laurent, Pichat, Floquet, Lockroy, Clemenceau forment l'Union républicaine pour<br />
défendre les droits de Paris. A côté d'eux, les francs-maçons de Paris envoient, le 11<br />
avril, des délégués à Versailles. Les uns et les autres se heurtent à un refus systématique.<br />
Le 21 avril, les francs-maçons vont trouver Thiers et lui posent cette question :<br />
« Mais enfin, vous êtes donc résolu à sacrifier Paris ? » Thiers, avec désinvolture, leur<br />
répond : « Il y aura quelques maisons de trouées, quelques personnes de tuées, mais<br />
force restera à la loi. »<br />
Le 22 avril, l'Union nationale des Chambres syndicales, la Ligue pour les droits de<br />
Paris et la Franc-maçonnerie décident d'unir leurs efforts ; parallèlement, les délégués<br />
des villes annoncent leur intention de se réunir à Bordeaux. Mais, en présence de l'attitude<br />
des municipalités provinciales, le 23, le ministre de la Justice, Dufaure, espère<br />
prévenir ce <strong>mouvement</strong> par une circulaire aux procureurs généraux, leur donnant l'ordre<br />
de poursuivre « les apôtres d'une conciliation qui mettent sur la même ligne l'Assemblée<br />
issue <strong>du</strong> suffrage universel et la préten<strong>du</strong>e Commune de Pari ». Pourtant, le<br />
30 avril, l'Alliance républicaine des départements cherche à appuyer l’œuvre de<br />
conciliation.<br />
Thiers repousse les propositions de la Ligue pour les droits de Paris ; il fait arrêter,<br />
le 13 mai, des délégués de la Ligue qui se rendent à Bordeaux, et interdit la réunion de<br />
Lyon, où seize départements ont envoyé des délégués.<br />
Enfin, le 20 mai, Thiers s'arrange pour faire recevoir par Barthélémy Saint-Hilaire<br />
les délégués de l'Union nationale, et leur fait répondre qu'il n'est pas visible le diman-