Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871
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Édouard Dolléans, <strong>Histoire</strong> <strong>du</strong> <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong>, <strong>Tome</strong> I : <strong>1830</strong>-<strong>1871</strong> (1948) 193<br />
Jeanne Deroin, depuis <strong>1830</strong>, fréquentait Enfantin, Pierre Leroux, Fourier, Cabet.<br />
C'était une petite femme maigre, qui avait appris à lire sur le tard et qui « piochait »<br />
d'un esprit lucide les diverses théories socialistes, gardant de l'une et de l'autre ce qui<br />
lui semblait bon. Dès qu'elle avait vu la Révolution se dessiner, elle avait recommandé<br />
son mari et ses enfants à la bienveillance de quelques amis et s'était lancée dans la<br />
lutte. Dans les réunions électorales, elle rencontrait « une hostilité déchaînée. Mais là<br />
où elle put prendre la parole, elle le faisait sans grandiloquence, avec calme et s'attachait<br />
à dé<strong>du</strong>ire clairement 71 ».<br />
Pendant les premiers mois de la Révolution, Jeanne Deroin participe aux discussions<br />
<strong>du</strong> Club de l'émancipation des femmes et <strong>du</strong> Club des femmes, fondé en avril<br />
1848 et présidé par Eugénie Niboyet, dont elle est la collaboratrice, <strong>du</strong> 28 mars au 18<br />
juin 1848, à La Voix des Femmes. Avec Désirée Gay et Eugénie Niboyet, Jeanne Deroin<br />
lance, le 1er janvier 1849, L'Opinion des Femmes. Le 10 avril 1849, elle se présente<br />
comme candidate à la Législative.<br />
Jeanne Deroin fait appel à la solidarité fraternelle de toutes les associations réunies.<br />
Une Commission centrale composée de délégués de toutes les associations<br />
tiendra publiquement ses séances. C'est à cette Commission centrale que revient la<br />
fonction d'organiser le travail au moyen d'une équitable répartition <strong>du</strong> pro<strong>du</strong>it <strong>du</strong> travail<br />
de tous selon les besoins de chacun. « La Commission centrale préparera la statistique<br />
des pro<strong>du</strong>ctions de toutes les associations et des besoins de la consommation<br />
de chaque association et de ses membres. Elle préparera le travail de répartition et<br />
cherchera à établir un équilibre entre la pro<strong>du</strong>ction et la consommation. Une Assemblée<br />
générale trimestrielle décidera des mutations qui devront avoir lieu dans le nombre<br />
des travailleurs de chaque profession, afin d'éviter les chômages et de mettre la<br />
pro<strong>du</strong>ction en équilibre avec la consommation. »<br />
La Commission centrale aura cinq comités : pro<strong>du</strong>ction, consommation, finances,<br />
é<strong>du</strong>cation, contentieux.<br />
Il faut ajouter que Jeanne Deroin, dans son projet, s'inspirait <strong>du</strong> mutuellisme<br />
proudhonien. Elle supprimait le numéraire et organisait le crédit mutuel sans intérêt,<br />
grâce à un système de bons d'échange. L'Assemblée générale faisait remettre, par le<br />
Comité central, à chaque association, un certain nombre de bons d'échange, proportionnel<br />
au nombre des membres de l'association. Ces bons devaient être remis à chaque<br />
associé en proportion équivalente à sa pro<strong>du</strong>ction, mais aussi en tenant compte de<br />
ses besoins. Avec ces bons, l'associé pouvait se procurer auprès des autres groupements<br />
tout ce qui lui était nécessaire à lui, à ses enfants, à ses ascendants. Tout était<br />
calculé afin qu'un groupe associé ne pût pas, par excès de pro<strong>du</strong>ction de sa part ou de<br />
consommation de la part des autres, prendre aucun avantage sur les autres associations<br />
adhérentes à l'Union.<br />
Enfin, il faut ajouter cette remarque que faisait à Guépin Pauline Roland, dans une<br />
lettre <strong>du</strong> 10 mai 1850 : « L'association ouvrière n'est pas à mes yeux la forme que<br />
prendra la société de l'avenir. Cette société s'établira dans l'unité, elle sera commu-<br />
71 MARGUERITE THIBERT, Le féminisme dans le socialisme français, 1926.