Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871
Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871
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Édouard Dolléans, <strong>Histoire</strong> <strong>du</strong> <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong>, <strong>Tome</strong> I : <strong>1830</strong>-<strong>1871</strong> (1948) 80<br />
ses formelles d'amélioration par ceux-là mêmes qui les avaient faites, les travailleurs<br />
virent que le pouvoir et la fabrique, s'appuyant l'un sur l'autre, ne cherchaient nullement<br />
à éviter des collisions d'intérêts dans l'avenir, mais à préparer les moyens d'en<br />
sortir victorieusement ; les coalitions, les sociétés secrètes se multiplièrent... Bien<br />
convaincus que l'Union fait la force, les Lyonnais commencèrent ce grand travail<br />
d'organisation des travailleurs qu'on a combattu, frappé, décimé, mais qui, semblable<br />
à un polype à mille branches, renaîtra sans cesse sous la main incapable de l'extirper<br />
31 . »<br />
A l'alliance « <strong>du</strong> pouvoir et de la fabrique », les classes laborieuses de Lyon en<br />
étaient venues à penser qu'il fallait opposer l'alliance <strong>du</strong> Travail et de la République.<br />
Et, pourtant, en février 1834, les mutuellistes lyonnais ont voulu garder à la grève<br />
générale un caractère corporatif : ils ont craint de compromettre leurs revendications<br />
par l'apparence d'une action combinée avec les républicains. Ils ont voulu être prudents.<br />
Mais leur prudence n'a pu empêcher que le <strong>mouvement</strong> de grève générale n'ait<br />
été un prétexte dont se sont servies les autorités. Dès février, celles-ci se tiennent prêtes<br />
à profiter de tout incident pour briser l'organisation ouvrière.<br />
Les fabricants considéraient le <strong>mouvement</strong> d'organisation ouvrière, parce que<br />
contraire à leurs intérêts, comme une entrave intolérable à la liberté de l'in<strong>du</strong>strie. Les<br />
autorités, qui avaient reçu mission de servir les intérêts des fabricants, virent, dans<br />
l'agitation en faveur de la suspension générale des métiers, une occasion favorable à<br />
leur dessein.<br />
A. Sala constate la volonté, de la part des autorités, de briser l'organisation ouvrière<br />
: « Il faut en finir, avait dit l'organe avoué de l'autorité à Lyon. Et ce défi, adressé<br />
en février à un peuple brave et une fois vainqueur, devait tôt ou tard provoquer de<br />
nouveaux combats. Il faut en finir, et au plus tôt, répétaient tous ceux qui cachent<br />
l'égoïsme de leur opinion sous le semblant de l'amour de l'ordre et des principes<br />
conservateurs des sociétés... »<br />
Le prétexte atten<strong>du</strong> va être l'agitation provoquée par le projet de loi sur les Associations,<br />
précédé <strong>du</strong> projet sur les crieurs publics.<br />
En 1832 et 1833, en dépit des visites, perquisitions, poursuites et vexations de la<br />
police, les républicains sont arrivés à passer à travers les mailles de la surveillance<br />
policière et de la législation et à développer leur propagande même en se servant des<br />
débats au tribunal « comme de tribune publique ».<br />
Le gouvernement dépose, le 25 février, un projet qui renforce les dispositions <strong>du</strong><br />
code pénal et rend vaine la pratique des républicains ; ceux-ci espéraient échapper à<br />
l'interdiction de toute réunion pour les associations non autorisées de plus de vingt<br />
personnes - parce qu'ils divisaient leurs associations en sections. Le projet frappe les<br />
associés comme les chefs, et défère les attentats contre la sûreté de l'État à la Cour des<br />
pairs, non au jury. Le projet qui va devenir la loi <strong>du</strong> 10 avril 1834, ne rencontre qu'une<br />
31 A. SALA, Les <strong>ouvrier</strong>s lyonnais en 1834, Hivert, in-8°, Paris, 1834. Une 3 ème édition populaire in-<br />
18, parue à Paris chez Dentu, fut tirée à 5 000 exemplaires. (Bib. Nat. Lb51 2180).