Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871
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Édouard Dolléans, <strong>Histoire</strong> <strong>du</strong> <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong>, <strong>Tome</strong> I : <strong>1830</strong>-<strong>1871</strong> (1948) 242<br />
Si la jeunesse républicaine a accueilli avec enthousiasme l'Internationale, les politiques<br />
républicains gardent vis-à-vis d'elle une attitude hostile que tra<strong>du</strong>it la boutade<br />
de Jules Favre : « C'est vous, Messieurs les Ouvriers, qui, seuls, avez fait l'Empire,<br />
c'est à vous de le renverser, seuls. » Le gouvernement sait que les internationaux<br />
comptent peu de sympathies parmi les membres de l'opposition parlementaire qu'il<br />
veut rallier. Durant le procès de l'Internationale, Napoléon III applique sa politique<br />
alternée, de douche écossaise, en faisant voter les deux lois promises par une lettre<br />
impériale <strong>du</strong> 19 janvier 1867 ; une loi sur la presse, le 9 mars 1868 et une loi sur les<br />
réunions, le 25 ; mais, entre ces deux dates, le 20 mars, la première Commission sera<br />
condamnée.<br />
Le 30 décembre 1867, Tolain, Chemalé, Héligon et leurs camarades de la première<br />
Commission avaient été inculpés comme coupables de participer à une association<br />
non autorisée de plus de vingt personnes. Le 20 mars 1868, devant le tribunal<br />
correctionnel, le procureur général les fait condamner à 100 francs d'amende chacun,<br />
après avoir déclaré : « Les prévenus qui comparaissent devant vous sont des <strong>ouvrier</strong>s<br />
laborieux, honnêtes, intelligents. Aucune condamnation ne les a frappés, aucune tache<br />
ne flétrit leur moralité et je n'ai, messieurs, pour justifier la prévention dirigée contre<br />
eux, à faire entendre aucune parole qui puisse porter atteinte à leur honneur. »<br />
Quelques journaux libéraux protestent après le jugement, notamment L'Opinion<br />
Nationale :<br />
« L'Internationale a droit à toutes les sympathies <strong>du</strong> pouvoir par son amour de<br />
l'ordre, <strong>du</strong> calme, de la légalité. Les Congrès de cette Association ont-ils été turbulents<br />
?... Rien ne menace l'ordre public dans le programme de l'Internationale. On a<br />
soigneusement éloigné de ses articles tout ce qui peut diviser les hommes ou jeter le<br />
trouble dans leur esprit de concorde : hypothèses religieuses, opinions politiques. »<br />
Le 8 mars, une seconde Commission est élue, et installe son bureau rue Chapon,<br />
19. Elle comprend : Eugène Varlin dont l'influence, déjà grande, va devenir prédominante.<br />
A côté de lui, Bourdon, graveur sur métaux : Benoît Malon, teinturier ; Combault,<br />
bijoutier ; Mollin, doreur sur métaux ; Émile Landrin, ciseleur ; Humbert, tailleur<br />
de cristaux ; Granjon, brossier ; Charbonneau, menuisier en meubles sculptés.<br />
Les tendances de cette seconde Commission sont celles d'un collectivisme antiétatiste<br />
que ses partisans appellent communisme non autoritaire. Les tendances collectivistes<br />
de la majorité de la deuxième Commission sont celles qui l'emporteront au<br />
Congrès de Bruxelles en septembre 1868.<br />
Les membres de la deuxième Commission se distinguent aussi de la première par<br />
leurs idées sur l'é<strong>du</strong>cation, idées que Varlin et Bourdon avaient déjà affirmées au<br />
Congrès de Genève, dans un rapport de minorité joint au mémoire de la délégation<br />
parisienne de la première Commission.<br />
L'instruction et l'é<strong>du</strong>cation sont pour les internationaux parisiens une des conditions<br />
essentielles de leur émancipation : comme le dit Héligon, « l'absence d'instruction<br />
met les travailleurs sous la dépendance de ceux qui la possèdent ». Sur ce principe<br />
premier, mutuellistes et collectivistes étaient d'accord ; seulement, dans leur mé-