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Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871

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Édouard Dolléans, <strong>Histoire</strong> <strong>du</strong> <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong>, <strong>Tome</strong> I : <strong>1830</strong>-<strong>1871</strong> (1948) 83<br />

Le 9 avril, 5 à 6 000 <strong>ouvrier</strong>s occupent, en se promenant, toute la partie de la ville<br />

comprise entre le pont de Pierre et le pont <strong>du</strong> Concert, la place Bellecourt et le Palais<br />

de justice. La place Bellecourt est occupée par l'artillerie. Mais les abords immédiats<br />

de la place Saint-Jean sont libres : « Pourquoi, demande A. Sala, la circulation ne futelle<br />

pas interdite dès le matin ? La mesure prise d'empêcher tout rassemblement eût<br />

été exceptionnelle et rigoureuse ; elle eût cependant valu mieux que la mitraille et les<br />

pétards. »<br />

Une foule paisible circule aux alentours <strong>du</strong> Palais de justice. A onze heures moins<br />

un quart, un coup de feu interrompt la plaidoirie de Jules Favre ; un détachement de<br />

cavalerie charge place Saint-Jean. Elle occasionne la mort d'un agent de police qui se<br />

trouve auprès d'une barricade à laquelle il paraît travailler : « La foule sans armes, en<br />

partie composée d'<strong>ouvrier</strong>s, est criblée de balles, plusieurs victimes inoffensives tombent.<br />

Le cri « Aux armes et vengeance ! » répond à ce premier coup de feu. » Les issues<br />

de la place, subitement évacuées, sont cernées par des barricades faites en peu<br />

d'instants par les gens <strong>du</strong> quartier, et les autres s'échappent dans toutes les directions.<br />

La fusillade s'engage sur plusieurs points, dans le quartier Saint-Jean, près de la Cathédrale,<br />

entre les <strong>ouvrier</strong>s et les soldats. Au pont d'Ainay, les <strong>ouvrier</strong>s tentent de fraterniser<br />

avec les soldats ; mais un feu de peloton leur répond.<br />

Le soir <strong>du</strong> 9 avril, la troupe tient le centre de la ville, et les hauteurs sont occupées<br />

par les insurgés, qui ont organisé la défense à la Croix-Rousse. Combien sont-ils ?<br />

700, selon l'auteur de La Vérité sur les événements de Lyon, et, selon A. Sala, de 2 à 3<br />

000 ont construit des barricades ; mais il n'en reste que 1 000 à 1 200 pour les défendre.<br />

La moitié à peine a des fusils ; une centaine aux Cordeliers, 200 à la Croix-<br />

Rousse, 100 aux Gloriettes et 60 à Vaise. Au total et au plus, à peine un millier d'insurgés<br />

contre 12 000 hommes, sans compter les forces de police et de gendarmerie.<br />

Défense acharnée qui va se prolonger pendant 6 jours 32 . Les insurgés ont formé<br />

six centres de résistance : Saint-Jean, Saint-Paul et Saint-Georges ; la rue Neyret et les<br />

rues adjacentes ; le clos Casati, entre la Grande Côte et la Côte Saint-Sébastien ; la<br />

Croix-Rousse ; la Guillotière ; enfin les Cordeliers, avec l'Église Saint-Bonaventure<br />

où se trouve le quartier général de Lagrange, le seul, parmi les obscurs acteurs de<br />

cette insurrection, dont le souvenir ait été gardé grâce au récit d'un médecin qui avait<br />

soigné les blessés dans l'église Saint-Bonaventure : « Lagrange portait un chapeau<br />

noir enfoncé sur ses yeux noirs, une redingote noire boutonnée jusqu'au cou, un pistolet<br />

d'arçon à la ceinture, et trois poignards dans son sein ; il était partout à la fois,<br />

courait à toutes les barricades, les franchissant comme un cerf, malgré les balles qui<br />

pleuvaient sur lui, et parait à tous les événements avec une habileté prodigieuse ; il<br />

était secondé admirablement par le sous-chef, jeune homme d'une audace et d'un courage<br />

à toute épreuve. » Dans l'ardeur <strong>du</strong> combat, Lagrange sauve la vie d'un homme<br />

en disant : « Ne souillons pas l'aurore de la République en répandant le sang d'un<br />

homme désarmé. »<br />

32 VINGTRINIER, Les Canuts, 1887, Paris, Dentu (p. 382) : un roman

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