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Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871

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Édouard Dolléans, <strong>Histoire</strong> <strong>du</strong> <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong>, <strong>Tome</strong> I : <strong>1830</strong>-<strong>1871</strong> (1948) 152<br />

Elle qui a les larmes aux yeux quand elle parle des souffrances qu'elle ne peut<br />

soulager, elle ne s'est pas résignée à transposer la souffrance ouvrière en un motif<br />

mélodique d'émotion. Sa sincérité l'oblige à agir. Mais en même temps qu'elle se croit<br />

la « sœur des travailleurs », elle pense qu'elle est une sœur aînée, plus sage et qu'elle<br />

doit être leur conseillère. De là le drame.<br />

Première déception avec Vinçard et la Ruche Populaire. Flora écrit dans son journal<br />

inédit : « Ma position est trop pénible pour mon caractère franc et emporté... Du<br />

reste, la discussion que je viens d'avoir avec les <strong>ouvrier</strong>s m'a beaucoup appris. Je vois<br />

que c'est folie de vouloir discuter de leurs intérêts avec eux : il faut leur présenter<br />

toute faite la loi qui doit les sauver. »<br />

Flora Tristan ne renonce pas à son projet de trouver, parmi les <strong>ouvrier</strong>s, les artisans<br />

de son idée. Depuis le 4 février 1843, elle est en relation avec Gosset, père des<br />

forgerons, qui la présente à un groupe parisien de la Société de l'Union. Achille François<br />

préside ce groupe de tanneurs corroyeurs. Cet homme, d'âme délicate, accueille<br />

Flora Tristan avec une admirative sympathie, et lui donne la joie de sentir qu'il partage<br />

son espérance.<br />

Flora accepte l'idée d'une collaboration avec les travailleurs : elle admet que des<br />

modifications peuvent être intro<strong>du</strong>ites dans son livre : mais n'est-il pas déjà sous<br />

presse ?<br />

L'attitude de Gosset et celle d'Achille François à l'égard de Flora sont parfaites,<br />

quoique fort différentes : l'un est toute dévotion et l'autre toute rude franchise. Gosset<br />

craint que Flora Tristan, dans un souci de sincérité, ne décourage les <strong>ouvrier</strong>s par des<br />

paroles blessantes, en voulant leur dire trop crûment leurs vérités. Avec un grand bon<br />

sens et une grande fermeté, Gosset cherche à faire comprendre à Flora Tristan la psychologie<br />

de ses camarades, la valeur de ces militants qui, après leur longue journée de<br />

travail, consacrent leurs soirées à la discussion et à la propagande. Gosset admire Flora<br />

Tristan de se dévouer à leur cause, de se fatiguer pour eux ; mais ce dévouement,<br />

cette fatigue ne lui paraissent pas plus admirables que ceux d'Achille François, qui<br />

travaille de 6 heures <strong>du</strong> matin à 8 heures <strong>du</strong> soir et qui veille jusqu'à 2 heures <strong>du</strong> matin<br />

sur la société qu'il préside.<br />

Le Comité désire aider Flora Tristan de ses conseils. Mais des conseils, n'est-ce<br />

pas déjà trop pour cette intellectuelle orgueilleuse ? Sans doute Flora Tristan veut que<br />

L'Union ouvrière soit la chose des travailleurs : mais en même temps elle n'y veut rien<br />

changer. Gosset et ses camarades, avec les plus grands ménagements, demandent à<br />

Flora Tristan des modifications, qui ne touchent pas l'esprit de l’œuvre, et la suppression<br />

de certains passages trop vifs qui peuvent indisposer les travailleurs.<br />

« Je n'ai qu'un but, c'est de vous servir comme je l'entends... »<br />

Cri instinctif de l'idéologue, cri que les plus grands théoriciens ne laissent pas<br />

échapper parce qu'ils sont plus hypocrites que Flora Tristan qui, elle, s'exprimait avec<br />

toute son innocente naïveté. Le sûr instinct des <strong>ouvrier</strong>s avait mieux compris Flora

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