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Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871

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Édouard Dolléans, <strong>Histoire</strong> <strong>du</strong> <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong>, <strong>Tome</strong> I : <strong>1830</strong>-<strong>1871</strong> (1948) 84<br />

La bravoure et l'opiniâtreté de Lagrange n'étaient pas rares. Tous les récits de ces<br />

journées, quel qu'en soit l'auteur, rendent hommage à l'héroïsme et à l'humanité des<br />

insurgés « forts de leur courage et de leurs espérances » : « la discipline la plus sévère<br />

fut ordonnée ; le respect le plus absolu de la propriété fut observé ; et les insurgés se<br />

concilièrent ainsi la neutralité des quartiers qu'ils occupaient 33 . Ceux qui s'emparèrent<br />

de la caserne des Minimes à Saint-Just traitèrent les militaires restés prisonniers avec<br />

la plus grande douceur... Personne, que nous sachions, n'a eu à se plaindre de vols ou<br />

d'excès. La circulation, dans ces mêmes quartiers occupés par les <strong>ouvrier</strong>s, y était<br />

presque toujours libre pour les habitants ; les portes des allées y étaient ouvertes nuit<br />

et jour. Les femmes et les ministres <strong>du</strong> culte étaient respectés : l'ordre régnait dans le<br />

désordre ».<br />

Le journal légitimiste Le Réparateur, qui était placé au centre <strong>du</strong> quartier des<br />

Eglises Saint-Nizier et Saint-Bonaventure, relate ceci :<br />

« Au surplus, quelque chose d'inexplicable, pour qui s'arrête aux apparences, se<br />

passe sous nos yeux. C'est l'incroyable tranquillité d'une grande partie de la, population<br />

au milieu de ce désordre. Partout où n'arrivent pas des coups de fusil, des groupes<br />

se forment sur le pas des portes, à l'entrée des boutiques, toutes fermées sans exception.<br />

Des indivi<strong>du</strong>s armés au nombre de deux ou trois, quelquefois seuls, sortent de<br />

certains passages pour aller demander des cartouches ou des renseignements. Personne<br />

ne paraît disposé à les inquiéter... Quelques hommes <strong>du</strong> peuple occupés à requérir<br />

des armes s'aperçoivent que Mme L..., effrayée, glissait un paquet sous son<br />

tablier. Ils saisissent cette dame. Le chef lui demande ce qu'elle peut bien dérober à<br />

leurs recherches ; pour s'assurer lui-même si ce n'est point une arme, il insiste, alors<br />

Mme L. avoue que c'était un sac contenant cent louis : « Rassurez vous, nous cherchons<br />

des armes, et non de l'argent 34 . »<br />

L'auteur anonyme de La Vérité sur les événements de Lyon s'accorde avec A. Sala<br />

et Le Réparateur pour reconnaître « que les seuls quartiers tranquilles sont ceux<br />

qu'occupaient les insurgés ; on y circulait librement et en sûreté. On n'y vivait pas<br />

sous le régime de l'état de siège et de l'arbitraire. Ces farouches républicains, ces<br />

anarchistes, ne commettaient aucune violence et ne se faisaient pas un jeu de tirer sur<br />

les passants et de détruire les maisons. Certes, en récapitulant les faits, l'avantage de la<br />

modération reste tout entier aux insurgés ».<br />

Tout autre est l'attitude de la troupe, étonnée d'une résistance qu'elle n'attendait<br />

pas. Les factionnaires ont reçu l'ordre de tirer sur tous ceux qui paraîtraient aux fenêtres<br />

ou sur les toits. La troupe est maîtresse des ponts ; mais aucune position importante<br />

occupée et défen<strong>du</strong>e par le peuple, excepté la place de la Préfecture, n'a été enlevée.<br />

Le soir <strong>du</strong> 9 arriva : « L'armée campait dans la cité. Les citoyens ne se présentaient<br />

à elle que comme des ennemis. Peut-être doit-on attribuer à cette persuasion <strong>du</strong><br />

soldat tant de scènes de sanglantes représailles, scènes d'horreur… » Une vieille<br />

femme demeurant rue de l'Arbre-Sec est atteinte d'une balle en allant chercher de l'eau<br />

à la cuisine ; une autre femme, enceinte, tuée à sa croisée ; un vieillard, père de 5 en-<br />

33 A. SALA, op. cit., p. 74.<br />

34 A. SALA, op. cit., p. 94.

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