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Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871

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Édouard Dolléans, <strong>Histoire</strong> <strong>du</strong> <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong>, <strong>Tome</strong> I : <strong>1830</strong>-<strong>1871</strong> (1948) 258<br />

niste soulève autant de haine dans le camp des conservateurs de toute sorte que la<br />

veille des journées de juin. Bonapartistes, orléanistes, cléricaux et libéraux s'entendent<br />

avec un touchant ensemble pour crier sus à l'infâme, au pelé, au galeux. »<br />

Contre les militants <strong>ouvrier</strong>s, on utilise tous les incidents. D'abord, le 9 juin, un<br />

semblant d'émeute, à Paris, pour protester contre l'échec de Rochefort, battu par Jules<br />

Favre. Des bandes de gamins, sur les boulevards, criant « Vive Rochefort ! », et<br />

chantant la Marseillaise. Des kiosques brisés, des réverbères cassés, des cafés fermés.<br />

Pour corser ces manifestations et amorcer une émeute populaire, la police a mobilisé<br />

les blouses blanches 112 . Mais les <strong>ouvrier</strong>s sont restés indifférents. Ludovic Halévy,<br />

qui a suivi les manifestations <strong>du</strong> balcon des Variétés et de l'Opéra, écrit, dans son<br />

Carnet, le 14 juin : « L'argent a-t-il soldé cette émeute des blouses blanches ? Si oui,<br />

quel argent ?... La police ? C'est ce que les républicains affirment... Les <strong>ouvrier</strong>s n'ont<br />

pas bougé. » Et le même jour, Varlin, dans L'Égalité 113 :<br />

« Quelques jours avant le scrutin de ballottage, le bruit s'était déjà répan<strong>du</strong> que le<br />

7 juin, au soir, la police se pressait de profiter de l'émotion que le résultat <strong>du</strong> scrutin<br />

ne pouvait manquer de pro<strong>du</strong>ire pour tenter un coup, provoquer les citoyens, frapper<br />

et disperser violemment les groupes, et procéder à des arrestations... Après la journée<br />

tranquillement passée, le soir, des bandes d'indivi<strong>du</strong>s, sortis on ne sait d'où, parcouraient<br />

certains quartiers chantant la Marseillaise et criant : « Vive Rochefort ! Vive la<br />

Lanterne ! » Le public, badaud, avait bientôt transformé ces groupes en masses compactes<br />

et un grand nombre de jeunes gens naïfs augmentaient vite le nombre des tapageurs.<br />

Puis revenaient les bris de vitres, de becs de gaz, et de devanture de boutiques,<br />

les renversements de kiosques et même des tentatives de barricades faites sur le boulevard<br />

Montmartre avec deux ou trois kiosques renversés et quelques bancs. Enfin, la<br />

police arrivait... En présence des sommations, les foules s'écoulaient par les rues adjacentes,<br />

et revenaient ensuite derrière la troupe qui, après avoir parcouru quelques kilomètres<br />

de distance, ne trouvait plus personne devant elle... Nous n'aurions qu'à rire<br />

de la déconvenue de la police dans cette affaire, si, apercevant qu'aucun des hommes<br />

d'action ne tombait dans ses embûches, elle ne s'était décidée à les arrêter chez eux.<br />

C'est ainsi que le jeudi 10 juin, entre 2 et 4 heures, une vingtaine de citoyens connus<br />

pour leur activité et leur énergie ont été enlevés à leur famille et à leurs occupations<br />

ordinaires. Parmi les citoyens arrêtés se trouvent deux membres de l'Association Internationale,<br />

Héligon et Murat, les membres <strong>du</strong> comité Raspail, deux candidats socialistes,<br />

Briosne et Lefrançais, quatre rédacteurs <strong>du</strong> Réveil et deux <strong>du</strong> Rappel...<br />

« Le soir et le lendemain de ces arrestations, le déploiement de forces devenait<br />

plus imposant encore. Cette fois, c'étaient les escadrons de cuirassiers et de chasseurs<br />

qui chargèrent dans les rues et sur les boulevards où grondait l'émeute. Mais, dérision<br />

112 La blouse blanche, en laquelle se costumaient certains policiers pendant les journées de décembre<br />

1851. VICTOR HUGO. <strong>Histoire</strong> d'un crime. Deuxième journée. Ch. IX.: « A la porte Saint-Martin, la<br />

foule, pressée et inquiète, parlait bas… Des hommes en blouse blanche, espèce d'uniforme que la<br />

police avait pris pour ces journées-là, disaient : « Laissons faire ! Que les vingt-cinq francs s'arrangent<br />

! Ils nous ont abandonnés en juin 1848. Qu'ils se tirent d'affaire aujourd'hui tout seuls ! Cela<br />

ne nous regarde pas... ».<br />

113 Correspondance de Paris, le 14 juin 1869, dans L'Égalité.

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