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Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871

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Édouard Dolléans, <strong>Histoire</strong> <strong>du</strong> <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong>, <strong>Tome</strong> I : <strong>1830</strong>-<strong>1871</strong> (1948) 120<br />

miste qui semble impliquer la possibilité de l'alliance et l'attitude révolutionnaire qui<br />

semble l'exclure. En 1839, les émeutes de Birmingham et de Newport montrent que a<br />

la révolution physique à aurait pu éclater ; le gouvernement whig avait cru devoir<br />

prendre les précautions militaires nécessaires pour être prêt à répondre à un soulèvement<br />

possible <strong>du</strong> prolétariat in<strong>du</strong>striel. En 1839, ce sont les Chartistes de la force morale<br />

qui ont cédé aux révolutionnaires ; mais, après s'être laissé entraîner vers la violence,<br />

ils reviennent à leur premier idéal. Entre 1840 et 1842, l'inverse se pro<strong>du</strong>it et ce<br />

sont les Chartistes de la force physique qui paraissent consentir à l'alliance. Mais<br />

l'évolution s'achève par un retour au point de départ, par les grèves d'août 1842.<br />

Déjà, lorsqu'à l'automne de 1838, les libre-échangistes se proposent d'associer les<br />

classes laborieuses à leur <strong>mouvement</strong>, les Chartistes s'opposent à leur dessein. Entre<br />

ceux-ci et les leaders de l'Anti-Corn Law League s'engage un dialogue sans issue.<br />

L'Anti-Corn Law League présente le libre-échange comme le remède à la crise in<strong>du</strong>strielle<br />

; la misère ouvrière a pour cause essentielle le pain cher. Les salaires sont trop<br />

bas et les chômages trop fréquents tandis que la vie est trop coûteuse. Le libreéchange<br />

va offrir aux classes laborieuses le pain à bon marché et abaissera le coût de<br />

leur existence ; en outre, il accroîtra les débouchés de l'in<strong>du</strong>strie anglaise ; l'abaissement<br />

de leur prix de revient permettra aux pro<strong>du</strong>its des manufactures de conquérir les<br />

marchés extérieurs. Cet essor, commercial, galvanisant l'in<strong>du</strong>strie et les salaires, provoquera<br />

à l'intérieur une augmentation de la consommation.<br />

L'argument <strong>du</strong> pain à bon marché et celui de l'extension <strong>du</strong> commerce anglais<br />

font, dès l'origine, partie intégrante de la thèse libre-échangiste. Celle-ci prétend sé<strong>du</strong>ire<br />

les classes ouvrières en leur démontrant l'intérêt qu'elles ont à consacrer leurs<br />

efforts à la conquête <strong>du</strong> « libre-échange de leur travail contre les pro<strong>du</strong>its <strong>du</strong> monde<br />

entier ».<br />

Les souffrances des travailleurs n'ont pas pour cause le Factory System, mais le<br />

régime protectionniste. Argumentation qui innocente le capitalisme in<strong>du</strong>striel pour<br />

rejeter la responsabilité de la misère sociale sur cette aristocratie qui « n'a pas le droit<br />

de maintenir son rang par une fortune trempée des larmes des veuves et des orphelins<br />

».<br />

Le pain cher, telle est la cause première de la misère ; et, si le pain est cher, c'est<br />

parce que le régime douanier empêche l'entrée en Angleterre des céréales étrangères :<br />

« ce sont les droits sur les subsistances qui ré<strong>du</strong>isent tant de familles ouvrières à mourir<br />

de faim », s'écrie Richard Cobden qui, fils d'un petit fermier <strong>du</strong> Sussex et ayant fait<br />

sa fortune dans le commerce et l'in<strong>du</strong>strie des cotonnades, entend parler au nom <strong>du</strong><br />

travail, <strong>du</strong> commerce et de l'in<strong>du</strong>strie. Le libre-échange supprimera la double cause de<br />

la misère ouvrière en procurant aux travailleurs des salaires plus élevés et plus stables<br />

pour acheter un pain à meilleur marché.<br />

Malgré ces belles promesses, les Chartistes ne paraissent pas sensibles à l'argumentation<br />

de l'Anti-Corn Law League. Dès le début, ils organisent une opposition à<br />

l'agitation libre-échangiste ; ils assistent aux meetings de la Ligue, mais pour interrompre<br />

de leurs sarcasmes et de leurs dénégations les orateurs abolitionnistes, pour<br />

réfuter les thèses des ligueurs, pour substituer enfin à la résolution présentée par ceux-

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