Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871
Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871
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Édouard Dolléans, <strong>Histoire</strong> <strong>du</strong> <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong>, <strong>Tome</strong> I : <strong>1830</strong>-<strong>1871</strong> (1948) 96<br />
Owen annonce ce projet dans la Crisis des 12 et 19 octobre 1833 : « Je viens de parcourir<br />
une des régions les plus peuplées de notre pays ; il y règne une grande effervescence,<br />
mais ce n'est pas l'agitation <strong>du</strong> vieux monde, ce n'est pas une excitation de colère<br />
et de mauvaise volonté, c'est un noble et moral enthousiasme d'hommes sobres,<br />
travailleurs et intelligents, qui, indignés par l'injustice de l'organisation actuelle de la<br />
société politique, sont décidés à affirmer la justice et les droits naturels de ceux auxquels<br />
la société est redevable de son confort et de ses jouissances »… « Lorsque nous<br />
considérons l'état réel des choses, la somme effective de travail manuel n'est qu'une<br />
bagatelle en comparaison des puissances pro<strong>du</strong>ctives de la Société. Si l'on met en<br />
oeuvre ces puissances pro<strong>du</strong>ctives, il n'existe pas de limites à la pro<strong>du</strong>ction des richesses<br />
; et seule l'ignorance de nos gouvernants a pu empêcher les pro<strong>du</strong>cteurs de<br />
jouir de toutes les formes <strong>du</strong> bien-être. » Robert Owen, dans son anticipation, devance<br />
d'un siècle les technocrates et l'espoir de voir, grâce à la grande relève de l'homme par<br />
la machine, s'accroître le bien-être et la culture des hommes jouissant des loisirs créés<br />
par les progrès techniques.<br />
Le projet de la Grande Union Consolidée des Métiers date de l'automne 1833 et,<br />
dès décembre 1833, les Sociétés ouvrières commencent, en grand nombre, à s'affilier<br />
à la Grande Union. Le 12 février 1834 la Crisis nous apprend qu'un premier congrès a<br />
lieu à l'Institution d'Owen, à Londres. On décide que la Grande Union sera une fédération<br />
de loges corporatives et qu'elle ajoutera à son objet essentiel l'assurance contre<br />
la maladie, des caisses de retraites et des ateliers coopératifs. La fédération, dont le<br />
Conseil exécutif siège à Londres, doit prendre l'initiative d'une grève générale d'expropriation<br />
: il ne s'agit pas de s'entendre « avec les maîtres de la pro<strong>du</strong>ction, de la<br />
richesse et de la science sur de piètres améliorations évaluées sur la base d'une monnaie<br />
artificielle et en échange de leur travail, de leur santé, de leur liberté, de leurs<br />
joies et de leur vie, mais d'assurer à chacun la meilleure culture de toutes ses facultés<br />
et l'exercice le plus avantageux de toutes ses possibilités ».<br />
Les « maîtres de la pro<strong>du</strong>ction » décident aussitôt de combattre la Grande Union<br />
Consolidée des Métiers, en la mettant en interdit. Les <strong>ouvrier</strong>s des différents métiers<br />
qui ont adhéré à la Grande Union sont mis en demeure de signer le document, c'est-àdire<br />
de renoncer à leur affiliation à la Grande Union. Cette affiliation est un motif de<br />
renvoi.<br />
Et voilà l'Union Consolidée des Métiers engagée à soutenir les grèves qui éclatent<br />
un peu partout. Déjà, dès novembre 1833, les bonnetiers de Leicester avaient fait<br />
grève, et la Grande Union avait dû donner des secours à 1 300 d'entre eux. Puis, c'est<br />
à Glasgow la grève des métiers <strong>du</strong> Bâtiment, tandis que, de leur côté, les imprimeurs<br />
sur étoffes, les mécaniciens, les ébénistes ont à soutenir de <strong>du</strong>res luttes. A Derby, 1<br />
500 <strong>ouvrier</strong>s, hommes, femmes, enfants, subissent le lock-out pour avoir refusé<br />
d'abandonner l'Union.<br />
Tout d'abord, toutes les régions de la Grande-Bretagne envoient leurs contributions<br />
pour soutenir les corporations en grève ; mais, au fur et à mesure que le <strong>mouvement</strong><br />
s'étend, il devient de plus en plus difficile d'obtenir de l'argent des sociétés ouvrières<br />
déjà fortement saignées. Les ressources de la Grande Union Consolidée des<br />
Métiers deviennent insuffisantes. En février, le Comité exécutif de Londres décide<br />
que chaque membre sera taxé au taux de 1 shilling.