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Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871

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Édouard Dolléans, <strong>Histoire</strong> <strong>du</strong> <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong>, <strong>Tome</strong> I : <strong>1830</strong>-<strong>1871</strong> (1948) 174<br />

l'émeute à main armée, <strong>du</strong> coup de force préconisé par les révolutionnaires babouvistes.<br />

Retour à la table des matières<br />

III<br />

« Proudhon n'écrit pas seulement dans l'intérêt des prolétaires ; il est lui-même<br />

prolétaire <strong>ouvrier</strong>. Son ouvrage est un manifeste scientifique <strong>du</strong> prolétariat français. »<br />

Lorsque, dans La Sainte Famille, Karl Marx publiait cette appréciation, il exprimait<br />

un premier jugement spontané sur Proudhon.<br />

Le revirement de Marx a pour origine la franchise de Proudhon et sa forte indivi<strong>du</strong>alité.<br />

Entre les deux personnalités, un antagonisme existe, qui vient d'une opposition<br />

de tempérament et de race. Que pouvaient avoir de commun le bourgeois intellectuel,<br />

formé et marqué par des études philosophiques dans les Universités allemandes,<br />

et le grand moraliste plébéien ? Proudhon est un paysan « des franches montagnes<br />

». Enfant, son métier de bouvier lui a donné cette intimité avec la nature : la fréquentation<br />

et l'amitié des bêtes et des pâturages, des fruits et des arbres, des collines et<br />

des rivières. Et lorsqu'il est obligé de vivre toute l'année à Paris, dès qu'il peut<br />

s'échapper, Proudhon revient à Burgille, au pays natal, pêcher des écrevisses, cueillir<br />

des baies, comme au temps de son enfance.<br />

Voilà une école primaire dont sera privé Karl Marx. Karl Marx restera toujours<br />

l'homme abstrait en face de Proudhon. Si celui-ci est un homme réel, il ne le doit pas<br />

seulement à son enfance parmi les prés, mais à sa vie d'<strong>ouvrier</strong>, correcteur, compositeur<br />

et compagnon <strong>du</strong> Tour de France, et à son expérience de commis comptable dans<br />

l'entreprise Gauthier Frères, alors qu'il vit avec des mariniers et des bateliers.<br />

Proudhon est né et a grandi parmi le peuple, il a œuvré de ses mains. D'instinct il<br />

devine, il comprend ce peuple lors même qu'il se révolte contre sa soumission. Son<br />

cœur lui appartient pendant les <strong>du</strong>res années où Proudhon vit en reclus, afin de faire<br />

face, par un labeur accablant, à la subsistance des siens et au désir de poursuivre son<br />

oeuvre. La Justice dans la Révolution et dans l'Église contient sous le titre<br />

« Bourgeoisie et Peuple » une des analyses les plus pénétrantes qui aient été faites <strong>du</strong><br />

peuple français 66 .<br />

Jamais, pendant toute son existence, Karl Marx n'a avec les paysans de contact, ni<br />

avec les <strong>ouvrier</strong>s d'intimité ; il garde vis-à-vis d'eux l'attitude de l'idéologue et <strong>du</strong><br />

maître d'école. Le trait que Proudhon et Marx ont en commun, l'orgueil, les sépare<br />

66 Édition Rivière, tome III, Paris, 1932, p. 459. Notes de C. Bouglé et J.-L. Puech.

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