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Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871

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Édouard Dolléans, <strong>Histoire</strong> <strong>du</strong> <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong>, <strong>Tome</strong> I : <strong>1830</strong>-<strong>1871</strong> (1948) 143<br />

À Paris, un <strong>ouvrier</strong> sur trois meurt de faim. L'état d'esprit des travailleurs est tel<br />

que l'a décrit le maçon Martin Nadaud, dans ses Mémoires de Léonard :<br />

« Le peuple était pris comme dans un étau ou comme un honnête homme dans un<br />

cercle d'assassins. Un cri de désespoir s'éleva parmi les <strong>ouvrier</strong>s de Paris. Ce fut un<br />

bouillonnement de l'esprit public, semblable à la vapeur comprimée. Inopinément tous<br />

les corps de métiers parlèrent de se mettre en grève : on n'entendit plus que ce cri :<br />

« Advienne de nous ce que pourra : mais le devoir nous commande, notre dignité<br />

exige que nous ne tendions pas la gorge plus longtemps à nos bourreaux. Du courage !<br />

violons les lois sur les coalitions. Peut-être que ces actes d'énergie feront ouvrir les<br />

yeux aux traîtres qui nous ont fait de si belles promesses au lendemain de la Révolution<br />

de <strong>1830</strong> et qui n'en tiennent aucune... » Les <strong>ouvrier</strong>s <strong>du</strong> bâtiment, toujours au<br />

nombre des plus patients, se trouvaient harcelés par la misère. Ils battaient les pavés<br />

des rues. »<br />

La première grève est celle des tailleurs d'habits. Dès mars 1840, les garçons tailleurs<br />

mettent en interdit certains maîtres : un certain nombre de maîtres sont obligés<br />

de consentir des augmentations de salaires. Mais, en juin, se pose la question <strong>du</strong> livret.<br />

La Société Philanthropique des maîtres tailleurs s'unit aux maîtres non affiliés pour<br />

imposer, à partir <strong>du</strong> 1 er juillet, aux garçons tailleurs, l'obligation <strong>du</strong> livret. La cessation<br />

<strong>du</strong> travail, de partielle, devient à peu près générale. L'animateur de cette grève était<br />

André Troncin, qui avait coutume de faire le soir des lectures à ses camarades et fréquentait<br />

les étudiants républicains. Dénoncé comme meneur, Troncin est condamné à<br />

cinq ans de prison. Ses lettres de Gaillon, adressées à sa compagne, révèlent une âme<br />

stoïque, une foi inébranlable dans les destinées de la classe ouvrière. Dix jours après<br />

sa sortie de prison, il mourait en prononçant ces paroles : « Je meurs pour vous. Vivez<br />

pour mes enfants. La révolution viendra bientôt : vous serez les maîtres à votre tour.<br />

Soyez doux envers les vaincus. »<br />

3 000 garçons tailleurs ont cessé le travail, soutenus par les cotisations des <strong>ouvrier</strong>s<br />

tailleurs de certaines villes de province et aussi par les <strong>ouvrier</strong>s typographes de<br />

Paris. Les <strong>ouvrier</strong>s tailleurs ont organisé rue Mondétour une cuisine commune où un<br />

millier de garçons tailleurs viennent prendre leur repas pour 50 centimes.<br />

La grève se termine en août par la reprise <strong>du</strong> travail et la renonciation des maîtres<br />

tailleurs à leurs exigences.<br />

La question <strong>du</strong> livret est aussi la cause de la coalition des <strong>ouvrier</strong>s en papiers<br />

peints. Un fabricant <strong>du</strong> faubourg Saint-Antoine, ayant installé dans ses ateliers une<br />

mécanique nouvelle, menace de renvoi les <strong>ouvrier</strong>s qui en refuseraient l'usage. Les<br />

<strong>ouvrier</strong>s en papiers peints réclament leurs livrets. Seveste les dénonce à la préfecture<br />

de police pour coalition. Mise en interdit de la fabrique, suivie de l'arrestation d'un<br />

certain nombre d'<strong>ouvrier</strong>s. Devant le Tribunal, le 31 juillet, on apprend que dix <strong>ouvrier</strong>s<br />

de Seveste n'ont pu obtenir de travail parce qu'ils n'ont pas présenté leurs livrets,<br />

que Seveste a joints à sa plainte. Pour quatre autres <strong>ouvrier</strong>s, leur employeur<br />

leur a ren<strong>du</strong> leurs livrets, mais en y inscrivant : « Sorti de chez moi avec une plainte<br />

contre lui, chez le procureur <strong>du</strong> roi. » Chacun d'eux est condamné à la prison. Alors ils

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