Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871
Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871
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Édouard Dolléans, <strong>Histoire</strong> <strong>du</strong> <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong>, <strong>Tome</strong> I : <strong>1830</strong>-<strong>1871</strong> (1948) 57<br />
Le gouvernement, ayant craint que l'insurrection de Lyon ne se propageât, avait<br />
mis sous les ordres <strong>du</strong> comte Roguet toute une armée prête à assiéger la ville. Le 27<br />
novembre, une délégation de la municipalité vient prier le comte Roguet de rentrer<br />
dans Lyon. Mais il attend l'arrivée <strong>du</strong> prince d'Orléans et <strong>du</strong> maréchal Soult.<br />
Le 1 er décembre 1831, Casimir Périer adresse aux préfets une circulaire pour leur<br />
rappeler les fonctions de la Garde nationale : « Lorsque le législateur a remis des armes<br />
à des citoyens, il a voulu armer la propriété, la liberté régulière, l'in<strong>du</strong>strie contre<br />
tout ce qui peut les menacer. »<br />
Avec une magnifique ingénuité, Bouvier <strong>du</strong> Molart proclame que l'arrivée <strong>du</strong><br />
prince d'Orléans est « l'arc-en-ciel qui annonce la fin de l'orage ». Le 3 décembre, le<br />
prince fait son entrée à Lyon, à la tête de 20 000 hommes de troupes et de 150 canons.<br />
Rappelé à Paris, Bouvier <strong>du</strong> Molart soutient que le tarif n'a été la cause de troubles<br />
que parce qu'il a été violé. Il doit répondre de sa faiblesse, de son parti pris. Il est le<br />
responsable : ses fautes permettent à Casimir Périer de trouver à l'insurrection une<br />
explication et de satisfaire une vieille rancune : le préfet n'avait-il pas eu l'audace de<br />
s'opposer à la construction <strong>du</strong> Palais de Justice dans le quartier de Perrache, où Casimir<br />
Périer possède des terrains ? Doublement coupable, il est destitué.<br />
Les journées de novembre ont pour épilogue : 90 arrestations. Au procès de Riom,<br />
qui a lieu <strong>du</strong> 5 au 22 juin 1832, les 11 accusés poursuivis sont acquittés au milieu de<br />
l'enthousiasme. Les événements ont démontré aux travailleurs qu'ils ne doivent<br />
compter que sur eux-mêmes. « Jusqu'à l'insurrection de Lyon, en novembre 1831,<br />
écrit justement O. Festy, la question ouvrière, sous sa forme économique ou sous sa<br />
forme politique, ne s'était imposée ni à l'attention des pouvoirs publics ni même, avec<br />
quelque généralité, à l'attention des <strong>ouvrier</strong>s... il leur manquait le sentiment même de<br />
leur communauté d'intérêts au point de vue simplement corporatif, comme au point de<br />
vue social 26 . »<br />
Les classes laborieuses allaient méditer les paroles prononcées par le ministre Casimir<br />
Périer : « Il faut que les <strong>ouvrier</strong>s sachent bien qu'il n'y a de remèdes pour eux<br />
que la patience et la résignation. »<br />
Pendant l'année 1832, l'organisation ouvrière se développe dans certains corps<br />
d'état.<br />
Les règlements de trois associations ouvrières révèlent l'état d'esprit qui anime le<br />
<strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong> à cette date : le règlement des <strong>ouvrier</strong>s tisseurs, celui de l'union<br />
des doreurs de Paris, celui enfin des <strong>ouvrier</strong>s tailleurs.<br />
Le 14 octobre 1832, les <strong>ouvrier</strong>s tisseurs de Paris fondent la Société d'union fraternelle<br />
et philanthropique. En fait, il existe deux sociétés distinctes, une société de<br />
secours mutuels, et une société de résistance : la Société d'union fraternelle prévoit, en<br />
cas de rejet des tarifs par les fabricants, une indemnité de dix francs allouée à chaque<br />
sociétaire.<br />
26<br />
O. FESTY, Le <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong>, p. 79.