Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871
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Édouard Dolléans, <strong>Histoire</strong> <strong>du</strong> <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong>, <strong>Tome</strong> I : <strong>1830</strong>-<strong>1871</strong> (1948) 281<br />
Mais Napoléon III mérite une mention spéciale. La guerre est la conséquence des<br />
échecs de sa politique extérieure autant que de son besoin d'offrir ses bons offices,<br />
toujours trop tard, de réclamer, toujours à contretemps, des compensations.<br />
En 1862, « la grande pensée <strong>du</strong> règne 134 » et défaite de Puebla, échec en Pologne<br />
(1863), abandon <strong>du</strong> Danemark (1864), effondrement de l'Empire <strong>du</strong> Mexique (1865-<br />
1866), rapprochement italo-prussien (1866). Juillet 1866 : Sadowa ; août 1866 : rêve<br />
de la frontière <strong>du</strong> Rhin, s'amenuisant en demandes de compensations sur la Belgique.<br />
1867 : nouvel abandon <strong>du</strong> Danemark à propos <strong>du</strong> plébiscite <strong>du</strong> Slesvig ; nouvelle demande<br />
de compensation, cette fois, sur le Luxembourg.<br />
Depuis plusieurs années, et notamment depuis 1866, afin de guérir son amourpropre<br />
blessé par les échecs de sa politique extérieure, Napoléon III songe à la guerre.<br />
Sans doute a-t-il aussi souvent abandonné ses intentions que ses décisions. Depuis<br />
1866, Napoléon III veut la guerre. Un homme modéré et averti, Ludovic Halévy, note<br />
dans son Carnet, le 5 avril 1866, les raisons qui expliquent pourquoi il songe à la<br />
guerre ; et tout d'abord « la vieille et tenace ambition de donner à la France la frontière<br />
rhénane » :<br />
« Je crois tout à fait à la guerre. La querelle de l'Autriche et de la Prusse n'irait<br />
certainement pas jusqu'à la guerre, si l'Empereur voulait la paix... mais l'Empereur ne<br />
veut pas la paix, il veut la guerre... Oui, l'Empereur doit vouloir la guerre et pour trois<br />
motifs. D'abord, il est certain que c'est chez lui une vieille et tenace ambition que de<br />
nous donner la frontière rhénane. La politique napoléonienne croit avoir une revanche<br />
à prendre de ce côté... Le troisième motif qui nous mènera à la guerre est la nécessité<br />
de donner satisfaction à l'armée mécontente et de regagner son affection très ébranlée...<br />
Aujourd'hui l'avancement se trouve absolument arrêté dans l'armée et il faut à<br />
tout prix faire tuer un certain nombre de nos officiers pour déblayer le terrain. »<br />
Mais la seconde raison est la plus puissante en 1870 ; par une guerre Napoléon espère<br />
se tirer <strong>du</strong> « mauvais pas » de l'Empire libéral, et, par une victoire, redonner au<br />
régime impérial le prestige nécessaire à la restauration de l'Empire autoritaire :<br />
« C'est ensuite une grande tentation de faire la guerre, que d'être assiégé à l'intérieur<br />
par un <strong>mouvement</strong> libéral et que d'être en lutte ouverte avec la partie éclairée <strong>du</strong><br />
peuple qu'on gouverne et qu'on opprime. L'idée de distraire les esprits par la guerre et<br />
de les détourner vers l'espoir d'un agrandissement territorial n'est, hélas, que trop naturelle<br />
et nul n'ignore que ce remède à une situation difficile vient le plus souvent se<br />
placer, comme de lui-même, dans la main des gouvernements absolus. »<br />
Grâce à la guerre, il faut empêcher l'opinion publique de se rendre compte que le<br />
régime est ébranlé par des échecs successifs; car les hésitations d'une politique versatile<br />
ont peu à peu fait perdre à l'Empereur tout son prestige.<br />
134 Rouher appelle ainsi l'expédition <strong>du</strong> Mexique.