Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871
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Édouard Dolléans, <strong>Histoire</strong> <strong>du</strong> <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong>, <strong>Tome</strong> I : <strong>1830</strong>-<strong>1871</strong> (1948) 208<br />
jamais rien, mais ment toujours ... il est si menteur qu'on ne peut même plus croire le<br />
contraire de ce qu'il dit. 84 »<br />
Un tel cousin était inquiétant pour un Empereur qui n'était pas sûr de soi. Ajoutez<br />
les mauvaises fréquentations, les relations compromettantes de Jérôme : « L'Empereur<br />
n'ignorait aucune des critiques quelquefois violentes qui se débitaient quotidiennement<br />
au Palais Royal contre sa personne et contre certains actes de son gouvernement.<br />
Le prince Napoléon n'en faisait pas mystère... » Jérôme reprochait brutalement à<br />
Louis-Napoléon ses infidélités à la Révolution et aux idées libérales et démocratiques.<br />
Ces entretiens devaient être assez cocasses.<br />
Parmi ses fréquentations coupables, à côté des bonapartistes anticléricaux et qui<br />
reprochent à Louis-Napoléon d'avoir « forfait à l'honneur, à la vraie pensée impériale<br />
», des libéraux, comme Havin, le directeur <strong>du</strong> Siècle, et aussi des démocrates ;<br />
ceux-ci rappellent qu'à la Constituante Jérôme a réclamé la clémence pour les insurgés<br />
de Juin, et que, depuis le 2 décembre, il est souvent intervenu en faveur de proscrits<br />
comme le chimiste Tessié <strong>du</strong> Motay. Proudhon va au Palais Royal, mais avec<br />
prudence. Il consent à donner des conseils à Jérôme, mais reste farouchement indépendant.<br />
Le prince Napoléon réunit dans son salon les Saint-Simoniens à tendance libreéchangiste,<br />
Le Play, Michel Chevalier, Arlès Dufour. Le prince Napoléon assiste aux<br />
dîners <strong>du</strong> vendredi-saint que Sainte-Beuve offre à Gustave Flaubert, About, Renan et<br />
Taine. On a songé à le nommer grand-maître de la Maçonnerie.<br />
Le prince Napoléon, qui va devenir gendre <strong>du</strong> roi de Piémont, Victor-Emmanuel,<br />
pousse Louis-Napoléon, entêté déjà <strong>du</strong> principe des nationalités, vers une politique<br />
d'encouragement à l'Italie. Cette politique d'encouragement, en 1859, devient une politique<br />
de soutien.<br />
Napoléon III n'a pas voulu paraître moins avancé que son cousin, dont, depuis des<br />
années, le Palais Royal est fréquenté par les Saint-Simoniens libre-échangistes. Le<br />
prince Napoléon se sert d'un publiciste, Armand Lévy, pour attirer quelques membres<br />
des sociétés ouvrières. Louis-Napoléon emprunte à Jérôme l'idée d'un impérialisme<br />
<strong>ouvrier</strong>, lorsque, le 15 janvier 1860, il fait paraître la lettre programme publiée au<br />
Moniteur : « Il n'y a qu'un système général d'économie politique qui puisse, en créant<br />
la richesse nationale, répandre l'aisance dans la classe ouvrière. »<br />
Cette sollicitude nouvelle a pour motif le désir de trouver un point d'appui. L'Empereur<br />
veut conquérir les sympathies des classes laborieuses afin de contre-balancer la<br />
perte de l'appui catholique. Mais, en même temps, il soulève contre lui les protectionnistes<br />
; au Corps Législatif, les députés in<strong>du</strong>striels manifestent une vive irritation<br />
contre Napoléon III parce qu'il a, sans les consulter, profité <strong>du</strong> pouvoir de signer les<br />
traités de commerce et d'accorder des modifications de tarifs, sans en référer au Corps<br />
Législatif. Les In<strong>du</strong>striels ratifient allègrement la suppression des droits sur la matière<br />
84 LUDOVIC HALÉVY, Carnets, 1 er volume, 20 juin 1866, 22 janvier 1867, p. 133 (Calmann-Lévy).