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Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871

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Édouard Dolléans, <strong>Histoire</strong> <strong>du</strong> <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong>, <strong>Tome</strong> I : <strong>1830</strong>-<strong>1871</strong> (1948) 214<br />

ciétaire reçoit, en cas de maladie et de chômage, une somme de 14 shillings par semaine.<br />

Le salaire est fixé, par un règlement de la société corporative, à un minimum<br />

de 32 shillings, qui équivaut à 40 francs de France ; de sorte que l'<strong>ouvrier</strong> anglais gagne<br />

le double de l'<strong>ouvrier</strong> français - alors que celui-ci pro<strong>du</strong>it le double. Voilà une<br />

disproportion énorme ! La dépense journalière de l'<strong>ouvrier</strong>, à Londres, est exactement<br />

la même qu'à Paris. Le logement est plus confortable et l'on ne voit pas d'<strong>ouvrier</strong>s<br />

anglais logés dans des mansardes ou greniers ouverts à tous les vents, comme cela a<br />

lieu à Paris. »<br />

Les délégués parisiens, à quelque métier qu'ils appartiennent, ont interrogé leurs<br />

camarades anglais au cours de leur séjour et ils sont d'accord pour déclarer que le salaire<br />

est de 30 % plus élevé à Londres qu'à Paris, alors que le prix des subsistances et<br />

des loyers est sensiblement le même. Les cordonniers prétendent même que les <strong>ouvrier</strong>s<br />

anglais sont mieux logés et à meilleur compte qu'eux (différence de 20 %).<br />

Les quatre typographes délégués à Londres écrivent dans leur rapport<br />

: « Comment n'envierions-nous pas le sort des typographes anglais ! Dans l'atelier,<br />

les <strong>ouvrier</strong>s sont chez eux ; ils discutent en pleine liberté non seulement leur salaire,<br />

mais encore les conditions de toute nature qui s'y rattachent. Si quelque innovation<br />

vient blesser leurs sentiments, la dignité ou les intérêts <strong>du</strong> personnel, la Chapelle<br />

s'assemble dans l'atelier, discute, avec calme et sans contrainte, le cas en litige et<br />

prend une décision qui est communiquée au chef de l'établissement. Un fait caractéristique<br />

c'est que, pendant le délibéré des <strong>ouvrier</strong>s, le patron s'abstient soigneusement<br />

de pénétrer dans son propre atelier. »<br />

Les délégués sont frappés par l'organisation <strong>du</strong> travail. Les carrossiers en voiture<br />

se rendent compte que c'est en fin de compte l'<strong>ouvrier</strong> qui paye cette absence d'organisation,<br />

en France :<br />

« Pas de fixité dans l'horaire. Qui est-ce qui paye la plus forte part de ce déchet ?<br />

L'<strong>ouvrier</strong>, parce qu'il est le principal instrument dont se sert le fabricant pour soutenir<br />

la concurrence. Si le fabricant pouvait ne pas payer la main-d’œuvre, il aurait résolu<br />

son grand problème. Tout au capital, rien au pro<strong>du</strong>cteur. Ne pouvant s'en passer, il le<br />

ré<strong>du</strong>it au chiffre le plus bas possible, et comme ce chiffre a pour base la somme nécessaire<br />

pour vivre bien ou mal, il paie peu et offre pour compensation de faire <strong>du</strong>rer<br />

le travail plus longtemps. »<br />

Tout au long de l'histoire de l'in<strong>du</strong>strie française, le travail des <strong>ouvrier</strong>s et leurs résistances<br />

ont souvent été le prétexte qui permettait de masquer l'absence d'un effort<br />

technique d'organisation, qu'il aurait été nécessaire d'accomplir pour assurer aux <strong>ouvrier</strong>s<br />

des conditions de travail et d'existence plus humaines. Et les peintres et décorateurs<br />

sur porcelaine de conclure :<br />

« Nous regardons devant nous, l'inquiétude au cœur, nous voyons bien d'habiles<br />

fabricants offrant d'excellents et beaux pro<strong>du</strong>its à la consommation, mais cette force<br />

que donnent les grands capitaux, maniés avec largesse et intelligence, cette force qui<br />

ne recule devant aucune dépense pour former des <strong>ouvrier</strong>s de grande capacité et se<br />

saisir de la suprématie dans l'in<strong>du</strong>strie, nous la cherchons en vain. »

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