Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871
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Édouard Dolléans, <strong>Histoire</strong> <strong>du</strong> <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong>, <strong>Tome</strong> I : <strong>1830</strong>-<strong>1871</strong> (1948) 235<br />
privées, elles sont particulières ; la porte est ouverte à tout le monde si nous voulons,<br />
elle est fermée aux étrangers si nous voulons, c'est notre affaire... 92 . »<br />
A Paris, c'est seulement une élite ouvrière qui donne son appui à l'Internationale ;<br />
il faudra l'ardeur d'Eugène Varlin pour lier à l'Internationale le faisceau des sociétés<br />
ouvrières.<br />
Fribourg, un des correspondants, se plaint de la lenteur des adhésions : car, raconte-t-il,<br />
« les correspondants parisiens se sentaient isolés à Paris, la masse ouvrière<br />
leur échappait ».<br />
Sans doute, des adhésions indivi<strong>du</strong>elles arrivaient. « Presque tous les survivants<br />
des associations républicaines, dissoutes par l'Empire, venaient se faire inscrire aux<br />
Gravilliers. Des médecins, des publicistes, des in<strong>du</strong>striels, des fonctionnaires de l'armée,<br />
apportaient leur concours à l’œuvre. » (E. C. Fribourg). Des vétérans <strong>du</strong> <strong>mouvement</strong><br />
<strong>ouvrier</strong>, tels qu'A. Corbon qui venait de publier son Secret <strong>du</strong> Peuple de Paris<br />
(1863), avaient applaudi à la création de l'Internationale.<br />
Dans un article <strong>du</strong> Siècle <strong>du</strong> 4 février 1865, A. Corbon saluait la nouvelle génération<br />
et le notable progrès accompli depuis une vingtaine d'années : « En ce temps-là, à<br />
part un petit groupe, la tendance générale des <strong>ouvrier</strong>s socialistes était de considérer<br />
l'Etat comme leur Providence visible et d'attendre de lui la rédemption des classes<br />
infériorisées. Voilà qu'une nouvelle génération déclare que l'émancipation des travailleurs<br />
doit être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes. » Anthime Corbon dégageait<br />
l'idée qui avait donné naissance à l'Internationale : « Ce dont je suis certain, c'est que<br />
toutes les personnes clairvoyantes et généreuses applaudiront à la pensée de cette réunion<br />
en Congrès de plusieurs centaines d'hommes représentant l'élite des travailleurs<br />
de tous les pays d'Europe. »<br />
Sans doute, aussi, une des corporations les plus actives, celle <strong>du</strong> bronze, donnait<br />
son appui au Bureau parisien. Mais dans leur ensemble, les sociétés ouvrières restaient<br />
hésitantes ; et la Commission de Paris se trouvait en face d'hostilités certaines :<br />
« Les résolutions de Genève rencontrent en France une grande hostilité. A Paris, les<br />
bruits les plus fâcheux circulaient dans le parti républicain, sur Tolain et sur Fribourg.<br />
On les représentait comme des bonapartistes déguisés. On affirmait qu'ils avaient été<br />
en relation avec le prince Napoléon 93 . » A leur retour de Genève, les militants lyonnais<br />
offrent à Tolain, à Fribourg, à Aubry, un banquet où ces critiques ne craignent<br />
pas de s'exprimer. Tolain y répond avec franchise. Mais ces préjugés persisteront jusqu'en<br />
1868, dans certains milieux <strong>ouvrier</strong>s, et les républicains hostiles à l'Internationale<br />
s'en serviront contre elle. Aussi, pendant les années 1866 et 1867, les correspondants<br />
s'efforcent-ils de démontrer l'absurdité des accusations de « césarisme<br />
plomplonien » qu'on formulait contre Tolain.<br />
92<br />
Lettre de Varlin à Albert Richard : 26 janvier 1870. Archives municipales de Lyon, Série I (2)<br />
(Police politique).<br />
93<br />
ALBERT RICHARD, Revue Politique et Parlementaire, janvier 1897, p. 71.