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Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871

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Édouard Dolléans, <strong>Histoire</strong> <strong>du</strong> <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong>, <strong>Tome</strong> I : <strong>1830</strong>-<strong>1871</strong> (1948) 53<br />

Mais la bonne foi des chefs d'atelier et des fabricants qui s'étaient engagés le 25<br />

octobre comptait « sans une certaine espèce de fabricants connue depuis longtemps<br />

pour de vrais spéculateurs sur la faim » (Bernard et Charnier).<br />

Bouvier <strong>du</strong> Molart évalue à 104 sur 1 400 le nombre des fabricants qui expriment,<br />

seuls tout d'abord, leur hostilité au tarif. Sachant qu'ils ont l'appui <strong>du</strong> ministre <strong>du</strong><br />

Commerce, le comte d'Argout, ces 104 envoient un mémoire à la Chambre des députés,<br />

afin de présenter les plaintes des « malheureux fabricants ». Ils mettent en cause<br />

le préfet, dont « la faute immense a placé les in<strong>du</strong>striels dans une position affreuse » -<br />

la faute <strong>du</strong> préfet était d'être humain. Les 104 concluent en déclarant que le tarif enlève<br />

à la soierie lyonnaise la possibilité de fabriquer un tiers, peut-être la moitié de ses<br />

articles : « Les autorités doivent songer à mettre en réserve de quoi nourrir quelques<br />

milliers de personnes qui vont se trouver à peu près sans pain à l'entrée de l'hiver, car<br />

l'on sent bien qu'il n'y a aucun moyen de persuasion qui puisse engager les manufacturiers<br />

à continuer un genre de fabrication qui les ruinerait au bout d'un certain temps. »<br />

Les 104 font annuler à leurs clients une partie de leurs commandes et en refusent<br />

d'autres. Ils déclarent que les délégués patronaux n'ont accepté le tarif que « comme<br />

une nécessité fâcheuse et dans la crainte des excès auxquels se porteraient les masses<br />

soulevées… Les délégués patronaux qui ont voté le tarif cédèrent à ces considérations<br />

morales, et ainsi leur liberté de jugement n'était pas entière ». Ils ajoutent que le tarif<br />

n'a pas été débattu, mais voté en hâte et sans discussion. Les archives départementales<br />

<strong>du</strong> Rhône prouvent le contraire.<br />

Depuis la signature <strong>du</strong> tarif, les prud'hommes condamnent les fabricants qui se refusent<br />

à l'appliquer. Le comte d'Argout vient à l'aide des 104. Il donne l'ordre au préfet<br />

Bouvier <strong>du</strong> Molart de dire « que le tarif n'a pas force de loi, qu'il n'est qu'un engagement<br />

d'honneur ». Alors les prud'hommes ne se croient plus le droit de donner raison<br />

aux <strong>ouvrier</strong>s réclamant l'application <strong>du</strong> tarif.<br />

Les 104 espèrent, par la menace de l'arrêt des métiers, faire cesser le <strong>mouvement</strong><br />

en faveur <strong>du</strong> tarif. Ils rallient les autres fabricants. Par la crainte de la faim, ils espèrent<br />

vaincre l'agitation ouvrière. Leur attente est déçue.<br />

La menace des 104 est une des causes immédiates de la révolte qui va éclater. Une<br />

révolte toute spontanée. Non une action concertée. La violence est née des circonstances.<br />

Lé dimanche 20 novembre 1831, les <strong>ouvrier</strong>s décident une grande manifestation<br />

pour le lundi. Ce jour-là, les chefs d'atelier et compagnons ne songent pas à sortir de<br />

la légalité. Le maire de la Croix Rousse rassure le préfet et lui promet que son faubourg<br />

restera calme. Le préfet compte sur sa popularité parmi les <strong>ouvrier</strong>s.<br />

Le matin <strong>du</strong> 21, des groupes se forment à la Croix-Rousse. On envoie pour les<br />

disperser un détachement de la première légion de la Garde nationale : « Il ne fallait<br />

pas justement choisir, disent Bernard et Charnier, pour doubler les postes et faire la<br />

police, cette première légion de la Garde nationale composée en partie de fabricants.

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