Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871
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Édouard Dolléans, <strong>Histoire</strong> <strong>du</strong> <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong>, <strong>Tome</strong> I : <strong>1830</strong>-<strong>1871</strong> (1948) 123<br />
peu, auprès des masses chartistes, ses adversaires : Lovett qu'il déclare compromis par<br />
ses relations avec Sturge et Bronterre dont l'autorité morale gêna l'aspirant dictateur.<br />
La Northern Star, dès juin 1841, a commencé contre Bronterre une campagne de calomnies<br />
et l'appelle « l'a<strong>du</strong>lateur des classes moyennes ».<br />
Mais, d'autre part, s'apercevant que l'idée d'une alliance avec les partisans de<br />
Sturge a fait des progrès parmi les Chartistes, Feargus combine, par transitions, une<br />
évolution qui lui permet de soutenir Sturge et l'alliance, après avoir dénoncé l'un et<br />
condamné l'autre. Feargus distingue dans ses articles et dans ses discours le middle<br />
class man et le middling class man : les hommes des classes moyennes ne forment<br />
pas, comme la classe ouvrière, une classe à intérêts communs ; ils forment deux classes<br />
antagonistes dont l'une a des intérêts contraires à ceux des classes laborieuses ;<br />
mais, à côté de l'aristocratie <strong>du</strong> commerce et de la manufacture, il y a le petit commerce,<br />
les petits boutiquiers qui ont intérêt à l'accroissement des revenus <strong>ouvrier</strong>s.<br />
Cette partie laborieuse des classes moyennes a des intérêts en harmonie avec la classe<br />
ouvrière. Et Feargus achève son évolution en soutenant dans sa lutte électorale contre<br />
le tory Walter, propriétaire <strong>du</strong> Times, le candidat de l'alliance, Joseph Sturge, « un<br />
homme plein de l'esprit de Dieu et dont la sagesse, la prudence, la piété contrastent<br />
avec les législateurs d'aujourd'hui ». (Northern Star <strong>du</strong> 6 août 1841).<br />
Le comité électoral de Sturge avait confiance et espérait que son candidat l'emporterait.<br />
Feargus avait déclaré qu'il était sûr <strong>du</strong> succès. Mais, le matin de l'élection,<br />
Feargus avait disparu, Thomas Cooper, un de ses lieutenants, se voit abandonné et<br />
ré<strong>du</strong>it à con<strong>du</strong>ire une poignée de chaussetiers amaigris, décharnés. à moitié morts de<br />
faim, de misérables <strong>ouvrier</strong>s de Sutton in Ash field. Avec ces quelques fidèles, il se<br />
trouve près des bureaux devote à 5 heures ; mais, vers six heures, les électeurs <strong>du</strong><br />
candidat tory commencent à affluer sous la farouche protection des bouchers armés de<br />
vigoureux gourdins. Avec sa petite troupe que pouvait faire Thomas Cooper ? Walter<br />
l'emporte par 1 885 voix contre 1 801 : Sturge n'était pas élu, mais l'alliance était<br />
contractée. Par son action ostensible en faveur de Sturge contre le candidat tory,<br />
qu'aux élections <strong>du</strong> mois d'août 1841 il avait conseillé à ses partisans de soutenir,<br />
Feargus O'Connor consacre l'union entre les Chartistes et le candidat des classes<br />
moyennes. Dans son compte ren<strong>du</strong> de l'élection, la Northern Star <strong>du</strong> 13 août 1842<br />
célèbre en termes dithyrambiques l'alliance, déclarant que « le plus grand triomphe<br />
moral qui ait jamais été remporté en Angleterre est cette défaite numérique : 1 801<br />
hommes braves et sincères ont voté pour Sturge et pour la Charte ».<br />
Par sa présence, par sa parole, puis par sa disparition, Feargus O'Connor avait en<br />
quelques jours réalisé une alliance dont l'échec de Sturge était peut-être la plus sûre<br />
garantie.