Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871
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Édouard Dolléans, <strong>Histoire</strong> <strong>du</strong> <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong>, <strong>Tome</strong> I : <strong>1830</strong>-<strong>1871</strong> (1948) 297<br />
Le dépouillement des élections <strong>du</strong> 26 mars donne, le 28, les résultats suivants 147 :<br />
Sur 80 membres nommés, il y a 25 <strong>ouvrier</strong>s. Les internationaux parisiens ne sont<br />
qu'une minorité d'un tiers au plus en tenant compte <strong>du</strong> fait qu'un certain nombre des<br />
élus <strong>du</strong> 26 mars n'ont pas voulu siéger. Parmi les internationaux élus se retrouvent<br />
ceux qui avaient fortement organisé le <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong> entre 1868 et 1870 : Varlin,<br />
Theisz, Avrial, Assi, Langevin, Champy, Duval, Chalain, Camélinat, B. Malon,<br />
Amouroux, Pindy, Léo Frankel, Dereure, V. Clément, E. Gérardin, A. Arnaud, A.<br />
Clémence, Demay, Descamps, C. Dupont, J. Durand 148 ; par leurs tendances s'apparentent<br />
à eux Beslay, Jourde, Vaillant, J. Vallès, Vermorel, Lefrançais, Charles Longuet,<br />
Courbet et Eugène Pottier. Ils seront « les modérés de ce gouvernement<br />
étrange ». En face d'eux, une majorité composite d'hommes de tendances fort diverses,<br />
des blanquistes purs et des blanquistes dissidents, des orateurs et journalistes radicaux,<br />
des élus des clubs rouges, et d'autres indivi<strong>du</strong>alistes aux tendances baroques<br />
ou indéfinissables.<br />
Seuls les membres de l'Internationale et des sociétés ouvrières parisiennes ont une<br />
doctrine économique et sociale définie. Courageux, honnêtes et réalisateurs, tout de<br />
suite ils acceptent la charge des services qu'a laissé désorganisés la fuite des ministres<br />
et d'une partie <strong>du</strong> haut personnel ; chacun d'eux, la remplissant en conscience, est bien<br />
vite absorbé par cette tâche. Leur caractère les porte à s'y donner tout entiers, car ils<br />
en savent l'importance. Sans leur gestion droite, la Commune n'aurait pas pu tenir<br />
aussi longtemps en face des attaques dont, dès le commencement d'avril, Thiers va<br />
harceler Paris.<br />
Thiers a vidé Paris de tous ses organes administratifs. Les militants <strong>ouvrier</strong>s comprennent<br />
que la tâche immédiate qui s'impose à eux est de faire fonctionner normalement<br />
les services d'une administration démâtée. Et ils se mettent courageusement à<br />
l’œuvre Varlin et Jourde aux Finances, Theisz aux Postes, Avrial à la Direction <strong>du</strong><br />
matériel d'armement, Camelinat à la Monnaie, Combault et Faillet au Service des<br />
contributions directes et indirectes, Alavoine à l'Imprimerie Nationale, Léo Frankel<br />
enfin à la Commission de l'échange et <strong>du</strong> travail. Varlin, égal à lui-même, fait face à<br />
des tâches multiples : on le retrouve aux Conseils de la Commune tel qu'il avait été<br />
pendant les luttes de la fin de l'Empire « infatigable, modeste, parlant très peu, toujours<br />
au moment juste, et alors éclairant d'un mot la discussion confuse 149 ».<br />
Dès le 19 mars, Varlin est chargé avec Jourde des Finances. Lorsqu'ils arrivent au<br />
ministère, tous deux se trouvent en présence <strong>du</strong> chef de bureau de l'ordonnancement<br />
et <strong>du</strong> matériel, unique représentant de l'État et <strong>du</strong> personnel. 300 000 personnes sans<br />
travail, sans ressources, attendent les 30 sous quotidiens dont elles vivent depuis sept<br />
mois. Au ministère des Finances, 4 600 000 francs sont dans les coffres. Les délégués<br />
147<br />
Sur 485 569 inscrits, 229 167 électeurs votent, une proportion un peu plus forte que celle qui avait<br />
élu les maires en novembre 1870.<br />
148 ème<br />
Après les élections <strong>du</strong> 16 avril, Johannard, qui avait été un des militants <strong>ouvrier</strong>s poursuivis au 3<br />
procès de l'Internationale, s'associa à la majorité jacobine.<br />
149 LISSAGARAY, <strong>Histoire</strong> de la Commune de <strong>1871</strong>, Paris, Dentu, p. 390 (1896). « II avait conservé le<br />
sens révolutionnaire qui s'émousse chez les <strong>ouvrier</strong>s instruits. »