Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871
Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871
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Édouard Dolléans, <strong>Histoire</strong> <strong>du</strong> <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong>, <strong>Tome</strong> I : <strong>1830</strong>-<strong>1871</strong> (1948) 39<br />
« Nous n'avons cédé que parce que nous n'étions pas en force. » En <strong>1830</strong>, les républicains<br />
n'ont encore qu'une doctrine politique, pas même teintée de réforme sociale. Estce<br />
la force qui a manqué au parti républicain, ou les idées ?<br />
Aux classes laborieuses, il manque, plus encore que le sentiment de leur solidarité,<br />
une organisation, sans laquelle aucune lutte ne peut être tentée.<br />
Les classes laborieuses ne possèdent aucune organisation ; les corps d'état qui adhèrent<br />
au compagnonnage n'ont aucun sens de la solidarité ouvrière. Tout au<br />
contraire : ils sont possédés de rancunes persévérantes. L'antagonisme entre les divers<br />
compagnonnages égale l'injustice avec laquelle, dans chaque compagnonnage, les<br />
compagnons traitent les aspirants soumis aux plus cruelles vexations.<br />
À peine quelques ébauches d'organisation ouvrière. Avant <strong>1830</strong>, en dépit de la législation<br />
négative de la Révolution et de la Loi Le Chapelier, le premier tiers <strong>du</strong><br />
XIX ème siècle a connu de nombreuses coalitions ; mais aucune n'a le triple caractère<br />
qu'elles auront dans la suite : la lutte corporative pour la défense des salaires et des<br />
conditions économiques ; la revendication <strong>du</strong> droit <strong>ouvrier</strong> ; l'action créatrice et constructive.<br />
Sans doute, certaines sociétés de secours mutuels s'occupent de questions de salaires.<br />
Elles forment des Caisses auxiliaires qui déjà prennent le nom de Bourses. Sous le<br />
prétexte de secourir les <strong>ouvrier</strong>s victimes de chômages, se constituent de véritables<br />
sociétés de résistance. Celles-ci sont généralement dépendantes, quelquefois indépendantes<br />
des sociétés de secours mutuels.<br />
En dehors <strong>du</strong> compagnonnage et de ces sociétés de secours mutuels, assez peu<br />
nombreuses, les deux seuls corps d'état qui possèdent des sortes de chambres syndicales<br />
sont les <strong>ouvrier</strong>s <strong>du</strong> bâtiment et les chapeliers, que nous retrouverons bientôt<br />
parmi les plus hardis des corps d'état.<br />
Donc, peu ou presque pas d'organisation ouvrière en France, au moment où les<br />
deux causes originaires <strong>du</strong> <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong> vont lui donner son essor.<br />
La crise économique a précédé la Révolution de Juillet ; elle a commencé en<br />
1825 ; mais ses effets sont plus <strong>du</strong>rement sentis, parmi les masses ouvrières, au lendemain<br />
des Trois Glorieuses. Tout d'abord, les <strong>ouvrier</strong>s pensent qu'il leur suffit de<br />
faire appel à l'autorité pour obtenir une amélioration de leur sort ; on leur doit bien<br />
cela. Pendant les premiers jours, l'autorité prend certains ménagements à l'égard des<br />
travailleurs. Mais très vite cette autorité, que ceux-ci espéraient protectrice, leur apparaît<br />
sous son véritable visage.<br />
A la mi-août <strong>1830</strong> - le 15 - certains corps d'état font appel au gouvernement<br />
« avec beaucoup d'ordre, de respect et de timidité ». Une pétition est rédigée par les<br />
<strong>ouvrier</strong>s selliers et carrossiers quatre cents d'entre eux, précédés <strong>du</strong> drapeau tricolore,<br />
la portent au préfet de police, Girod de l'Ain. Celui-ci descend les haranguer. Le<br />
même soir, les garçons bouchers promènent le drapeau tricolore avec cette inscrip-