Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871
Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871
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Édouard Dolléans, <strong>Histoire</strong> <strong>du</strong> <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong>, <strong>Tome</strong> I : <strong>1830</strong>-<strong>1871</strong> (1948) 275<br />
pouvons rien faire, comme réforme sociale, si le vieil État politique n'est pas anéanti.<br />
N'oublions pas qu'en ce moment, l'Empire n'existe plus que de nom et que le gouvernement<br />
est l'enjeu des partis. Si, dans ces circonstances graves, le parti socialiste se<br />
laissait endormir par la théorie abstraite de la science sociologique, nous pourrions<br />
nous réveiller un beau matin sous de nouveaux maîtres plus dangereux pour nous que<br />
ceux que nous subissons en ce moment, parce qu'ils seraient plus jeunes et par conséquent,<br />
plus vigoureux et plus puissants. Tout en préparant l'organisation sociale future,<br />
ayons l'œil au <strong>mouvement</strong> politique. »<br />
Et Varlin annonce à Aubry qu'il vient d'être nommé comme délégué à une Conférence<br />
qui doit avoir lieu à Lyon le 13 mars.<br />
A cette réunion que préside Varlin assistent les délégués de province, de Marseille,<br />
d'Aix, de Vienne (Isère), de La Ciotat, de Dijon, de Rouen et de la Suisse jurassienne.<br />
César de Paepe a envoyé une adresse des travailleurs belges aux travailleurs<br />
français : « L'état politique n'a plus de raison d'être ; le mécanisme artificiel, appelé<br />
gouvernement, disparaît dans l'organisme économique. La politique se perd dans le<br />
socialisme. »<br />
Albert Richard a organisé cette réunion, qui lui permet de prendre un contact direct<br />
avec Varlin, Aubry, Bastelica, afin de donner une impulsion définitive à la formation<br />
de la Fédération des sociétés ouvrières lyonnaises.<br />
Le 22 mars, l'administration <strong>du</strong> Creusot diminue le tarif des salaires : une ré<strong>du</strong>ction<br />
de 30 à 60 centimes par journée de travail. Le 23, les <strong>ouvrier</strong>s, pour protester, se<br />
mettent en grève. M. Schneider n'est pas au Creusot, mais à Paris où il préside le<br />
Corps législatif. En apprenant la grève et un éboulement qui, la veille, dans un puits,<br />
avait entraîné la mort de douze personnes, M. Schneider se serait écrié : « Je ne parlementerai<br />
pas avec ces voyous. Les grévistes n'ont-ils pas assez de cadavres ? 129 »<br />
Le tribunal d'Autun, qui juge les grévistes poursuivis, prononce 24 condamnations et<br />
298 mois de prison. Le 5 avril, La Marseillaise publie une protestation contre ce jugement,<br />
signée des militants <strong>ouvrier</strong>s.<br />
La seconde grève <strong>du</strong> Creusot a donné lieu à de nombreuses manifestations de solidarité.<br />
La Chambre fédérale de Marseille, les <strong>ouvrier</strong>s de Mulhouse, les sociétés<br />
ouvrières de Lyon ont envoyé des secours aux grévistes. La Chambre fédérale de Paris<br />
a organisé une souscription ; Émile Aubry et la section de Rouen publient, à l'occasion<br />
de la grève <strong>du</strong> Creusot, un appel à la population ouvrière 130 :<br />
« La Fédération rouennaise croit qu'il est de son devoir de suivre l'exemple de ses<br />
sœurs de Marseille et de Paris. Des milliers d'<strong>ouvrier</strong>s réclament, au nom de la loi des<br />
coalitions, une augmentation de la part qu'ils apportent dans la pro<strong>du</strong>ction de la richesse...<br />
Un seul homme investi de fonctions supérieures, gérant principal d'une<br />
129<br />
J. BARBERET, Les grèves et la loi sur les coalitions, p. 28 à 81. Paris, Librairie de la Bibliothèque<br />
ouvrière, 187a.<br />
130<br />
ÉMILE AUBRY, Grève <strong>du</strong> Creusot, Rouen 6 avril 1870, Paris, Association générale typographique<br />
(Bib. Nat. Lb54 2629).