12.12.2012 Views

Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871

Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871

Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

Édouard Dolléans, <strong>Histoire</strong> <strong>du</strong> <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong>, <strong>Tome</strong> I : <strong>1830</strong>-<strong>1871</strong> (1948) 50<br />

viennent poitrinaires avant la fin de leur apprentissage. Lorsqu'elles se plaignent, on<br />

les accuse de faire des grimaces »... Les compagnons n'ont pas de domicile : ils sont<br />

logés et nourris par le chef d'atelier qui les emploie. Ils s'entassent, avec sa famille,<br />

dans les étroits logements des quartiers de la Croix-Rousse et de Saint-Georges. Certains<br />

d'entre eux ne gagnent pas 20 sous pour 16 heures de, travail. Ils sont les premières<br />

victimes de chaque crise qui les rejette de la ville et livre leur vie incertaine au<br />

hasard d'occupations agricoles qui sont, pour eux, un refuge.<br />

Le coût de la vie s'est fort élevé à Lyon, et s'est accru par suite de la loi <strong>du</strong> 26 mars<br />

1831, qui a augmenté les impôts directs et l'impôt sur le logement.<br />

Les classes laborieuses de Lyon sont, à cette époque, à peine organisées. En 1828,<br />

les chefs d'atelier ont fondé une société de solidarité et d'entr'aide ; mais les compagnons<br />

en sont exclus. Le Devoir Mutuel est divisé en 20 loges de 20 membres, reliées<br />

entre elles et dirigées par une commission exécutive.<br />

Le Devoir Mutuel a pour objet le secours mutuel, l'organisation de cours professionnels,<br />

la recherche <strong>du</strong> travail, la lutte contre les abus. Mais cette société ne prendra<br />

un développement important qu'après les événements de novembre 1831.<br />

A l'automne de 1831, bien que « les métiers se couvrent d'étoffes », les fabricants<br />

ont maintenu des salaires qui, malgré un travail de 18 heures par jour, ne permettent<br />

pas d'assurer la vie ouvrière la plus modeste. Les travailleurs de Lyon, chefs d'atelier<br />

et compagnons, ressentent de leur infortune une irritation qui grandit au fur et à mesure<br />

que se fait plus certaine leur conviction que les promesses de Juillet étaient illusoires.<br />

Le rapport présenté au Président <strong>du</strong> Conseil des Ministres sur les causes qui<br />

ont amené les événements de Lyon (1832) 23 est un témoignage digne de foi. Ses auteurs,<br />

les deux chefs d'atelier Bernard et Charnier, s'expriment avec une mesure remarquable.<br />

Le jugement qu'ils portent sur l'origine des événements de novembre 1831<br />

est confirmé par le préfet <strong>du</strong> Rhône, Bouvier <strong>du</strong> Molart : « La souffrance était réelle<br />

parmi 60 000 à 80 000 <strong>ouvrier</strong>s. A moins de prendre la cruelle résolution de les tuer<br />

tous, on ne pouvait répondre par des coups de fusil à la paisible exposition de leurs<br />

besoins. »<br />

Bernard et Charnier marquent, au début même de leur rapport, la double déception<br />

des <strong>ouvrier</strong>s lyonnais :<br />

« Les événements de <strong>1830</strong> placèrent, sur le trône de France, un roi citoyen, père et<br />

protecteur <strong>du</strong> peuple, qui promit de veiller à ses intérêts et à sa liberté. Forte de telles<br />

promesses, la classe ouvrière de Lyon avait reçu sans s'émouvoir le coup terrible qui<br />

devait engourdir son in<strong>du</strong>strie, et s'était préparée sans murmures aux conséquences<br />

inévitables qu'on devait attendre d'un tel changement. Hier citoyen, aujourd'hui soldat,<br />

l'<strong>ouvrier</strong> remplit avec zèle le nouveau devoir que la patrie lui imposait. Conséquent<br />

23 Rapport fait et présenté à M. le Président <strong>du</strong> Conseil des Ministres sur les causes générales qui ont<br />

amené les événements de Lyon, par deux chefs d’atelier, Lyon, Charvin, in-4°, p. 8,1882. - F.<br />

RUDE, Le rôle de P. Charnier fondateur <strong>du</strong> mutuellisme à Rouen, Bull. Révol. 1848, 1938 ; - Le<br />

Mouvement <strong>ouvrier</strong> à Lyon de 1827 à 1832, Paris, Domat-Montchrestien, 1945

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!