Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871
Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871
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Édouard Dolléans, <strong>Histoire</strong> <strong>du</strong> <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong>, <strong>Tome</strong> I : <strong>1830</strong>-<strong>1871</strong> (1948) 182<br />
C'est qu'en effet, selon l'expression de Gabriel Perreux, la Révolution de 1848<br />
n'était pas une explosion soudaine, elle était « en gestation depuis 1835, lorsque les<br />
républicains devaient faire retraite et se recueillir dans le mystère des ventes et des<br />
loges ». Mais, en dépit de leurs doctrines et de leur théorie d'un enseignement national,<br />
ce n'est pas eux qui pourraient offrir à la République de 1848 le don le plus substantiel;<br />
mais bien ces masses ouvrières dont les luttes et les revendications, si chèrement<br />
payées, apportent à l’œuvre constructive les matériaux les plus solides.<br />
Pendant dix-huit années, le <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong> a fait une œuvre obscure, mais<br />
certaine. Voilà le seul élément positif, mais il existe.<br />
Le <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong>, dès 1840, a lutté pour des revendications corporatives.<br />
L'ensemble de ces revendications forme un programme de législation protectrice <strong>du</strong><br />
travail. Et justement, l’œuvre de législation protectrice <strong>du</strong> travail va être l’œuvre la<br />
plus importante de 1848. La seule effective, peut-on ajouter.<br />
Toute une série de réformes sociales ont été réalisées ou esquissées pendant les<br />
premières semaines. Sur plusieurs points, on n'a pas abouti ; et sur d'autres, où les<br />
réformes ont été immédiates, la Constituante, après juin, puis la Législative, ont repris<br />
ce que l'enthousiasme des premières semaines avait imposé.<br />
Peu importe. Pour la première fois en France un gouvernement, composé de velléitaires<br />
plus que de réformateurs déterminés, a le mérite de comprendre qu'il est nécessaire,<br />
autant que peut le permettre une législation protectrice, de redresser les<br />
conditions et l'organisation <strong>du</strong> travail dont souffrent les travailleurs.<br />
Ce ne sont plus en effet des principes qui sont posés, des revendications qui sont<br />
affirmées, mais on amorce une législation protectrice qui devait lentement donner ses<br />
fruits. Pour la première fois, à cette législation protectrice, les maîtres ont donné un<br />
instant leur adhésion. À l'encontre des affirmations des économistes de la monarchie<br />
de Juillet, on reconnaît que la limitation de la journée de travail n'a pas pour effet la<br />
diminution de la pro<strong>du</strong>ction nationale, mais un accroissement de la pro<strong>du</strong>ctivité. Pendant<br />
les premières semaines de la République, la France prend l'avance sur le pays<br />
qui, le premier, avait intro<strong>du</strong>it dans sa législation des mesures protectrices <strong>du</strong> travail<br />
des femmes et des enfants. Ce progrès incontestable est dû aux luttes que, depuis<br />
<strong>1830</strong>, ont soutenues les travailleurs.<br />
L’œuvre sociale de la Révolution de 1848 a été l'application <strong>du</strong> programme des<br />
revendications corporatives pendant les grèves de 1840. Depuis le grand <strong>mouvement</strong><br />
de cette année-là, les coalitions avaient eu pour objet le programme des revendications<br />
systématisées par le journal L’Atelier.<br />
Entre 1840 et 1848 se poursuit un travail d'organisation. Les sociétés ouvrières,<br />
déjà existantes, s'élargissent, d'autres sont créées ; les différentes formes d'organisation<br />
ouvrière ont pour objet le secours mutuel, le placement, le secours de chômage, et<br />
bien souvent, en fait, la résistance.