Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871
Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871
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Édouard Dolléans, <strong>Histoire</strong> <strong>du</strong> <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong>, <strong>Tome</strong> I : <strong>1830</strong>-<strong>1871</strong> (1948) 64<br />
c'est le socialisme. Vouloir faire triompher la république en France sans le socialisme,<br />
c'est absurde ».<br />
La doctrine républicaine se transforme. En face des antagonismes personnels entre<br />
ses chefs et des conflits de tendances, le parti républicain s'efforce de réaliser son<br />
unité doctrinale. Dans La propagande républicaine au début de la Monarchie de<br />
Juillet, Gabriel Perreux a analysé, avec une grande richesse de documentation, les<br />
aspects si divers de cette propagande dont la vigueur prouve la vitalité <strong>du</strong> parti républicain.<br />
Celui-ci avait alors une jeunesse qui donnait à son action et à ses convictions<br />
une ardeur et une fraîcheur admirables.<br />
Les républicains de 1833 et de 1834 - parce qu'ils se recrutaient parmi de très jeunes<br />
hommes - n'ont pas craint d'aller vers les travailleurs, de tout leur cœur et sans<br />
arrière-pensée. Cette franchise d'accent explique les sympathies qu'ils ont rencontrées.<br />
Les <strong>ouvrier</strong>s sont touchés par une ardeur aussi sincère. Ces sympathies amènent aux<br />
sections de la Société des Droits de l'Homme de nombreux <strong>ouvrier</strong>s. Certaines sections<br />
sont composées exclusivement de travailleurs. Dans les autres dont les effectifs<br />
sont plus diversifiés, le contact personnel crée, au sein de la section, une intimité, une<br />
amitié entre les <strong>ouvrier</strong>s et les jeunes républicains, étudiants, jeunes médecins et jeunes<br />
avocats. Ce contact contribue, plus que toute autre influence, à l'évolution de la<br />
doctrine républicaine.<br />
L'anecdote que raconte Martin Nadaud dans ses Mémoires de Léonard est significative<br />
:<br />
« Comme de nos jours, on vendait les journaux dans les rues. Tous les matins, on<br />
me demandait dans la salle <strong>du</strong> marchand de vin de lire à haute voix Le Populaire de<br />
Cabet. Un jeune étudiant en médecine, nommé Macré, s'approcha de moi un matin. Il<br />
me complimenta sur le ton et sur la manière énergique dont je faisais la lecture de<br />
certains passages. Il revint ensuite plusieurs fois m'entendre. C'était la première fois<br />
qu'un bourgeois me donnait la main, et j'avoue que j'en fus très flatté. Il me demanda<br />
si je voulais entrer dans la Société des Droits de l'Homme, à laquelle il appartenait. Il<br />
vit aussitôt à ma réponse que j'étais républicain. Rendez-vous fut pris, et notre jeune<br />
étudiant nous intro<strong>du</strong>isit dans sa section, qui était située rue des Boucheries Saint-<br />
Germain, avec deux de mes camarades. On nous accueillit avec le plus chaleureux<br />
enthousiasme. Dès que j'eus reçu le baptême, il me semblait que je ne pourrais jamais<br />
être ni assez téméraire, ni assez audacieux pour gagner la confiance de cette jeunesse<br />
républicaine dévouée aux intérêts de la France et à ceux <strong>du</strong> Peuple. »<br />
Ainsi la transformation <strong>du</strong> parti, comme la transformation de la doctrine républicaine<br />
elle-même, est <strong>du</strong>e à l'adhésion des corporations ouvrières. Un courant de sympathie<br />
entraîne, les uns vers les autres, républicains et travailleurs.<br />
Cette évolution de la doctrine républicaine s'est faite par étapes.<br />
La formation des républicains était avant tout politique. La tradition jacobine domine<br />
à la Société des Amis <strong>du</strong> Peuple. La plupart des républicains partagent l'éclectisme<br />
de Cavaignac qui, dans son discours sur l'association, cite, sans marquer de pré-