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Histoire du mouvement ouvrier Tome I : 1830-1871

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Édouard Dolléans, <strong>Histoire</strong> <strong>du</strong> <strong>mouvement</strong> <strong>ouvrier</strong>, <strong>Tome</strong> I : <strong>1830</strong>-<strong>1871</strong> (1948) 167<br />

ner toute concurrence possible, et c'est pourquoi, le 5 mai 1846, il écrit à Proudhon<br />

afin de s'en faire un allié contre Karl Grün.<br />

Mais Proudhon n'est pas homme à se laisser dicter ses opinions et, le 17 mai 1846,<br />

il lui répond ; cette lettre permet de comprendre le revirement de Marx à son égard :<br />

« Je prendrai la liberté de faire quelques réserves qui me sont suggérées par divers<br />

passages de votre lettre... Je fais profession d'un antidogmatisme économique presque<br />

absolu. Pour Dieu ! après avoir démoli tous les dogmatismes a priori, ne tombons<br />

point à notre tour dans la contradiction de votre compatriote Martin Luther... ne songeons<br />

pas à notre tour à endoctriner le peuple. Faisons-nous une bonne et loyale polémique<br />

; donnons au monde l'exemple d'une tolérance savante et prévoyante, mais,<br />

parce que nous sommes à la tête <strong>du</strong> <strong>mouvement</strong>, ne nous faisons pas les chefs d'une<br />

nouvelle intolérance ; ne nous posons pas en apôtres d'une nouvelle religion, fût-elle<br />

la religion de la logique, -la religion de la raison. Accueillons, encourageons toutes les<br />

prestations ; flétrissons toutes les exclusions, tous les mysticismes... à cette condition<br />

j'entrerai avec plaisir dans votre association. Sinon, non ! »<br />

C'est net, Proudhon précise le point qui l'oppose à Karl Marx :<br />

« Ne nous posons pas en apôtres d'une nouvelle religion... ne nous faisons pas les<br />

chefs d'une nouvelle intolérance. »<br />

Proudhon atteint Marx au point le plus sensible de son orgueil. Il le déçoit en prenant<br />

la défense de Grün :<br />

« Je dois à G... et à son ami Everbeck la connaissance que j'ai de vos écrits, mon<br />

cher Marx, de ceux de M. Engels et de l'ouvrage si important de Feuerbach. Ces Messieurs,<br />

à ma prière, ont bien voulu faire pour moi quelques analyses en français (car<br />

j'ai le malheur de ne point lire l'allemand) et c'est à leur sollicitation que je dois insérer<br />

(ce que j'eusse fait moi-même <strong>du</strong> reste), une mention des ouvrages de MM. Engels,<br />

Marx, Feuerbach... Je vous verrais avec plaisir, cher Monsieur Marx, revenir<br />

d'un jugement pro<strong>du</strong>it par un instant d'irritation, car vous étiez en colère lorsque vous<br />

m'avez écrit. »<br />

Karl Marx ne pardonnera pas à Proudhon cette lettre. Et en même temps il va<br />

tourner en ridicule ce prolétariat parisien dont il disait, pendant son séjour à Paris :<br />

« Sur leurs lèvres, la fraternité n'est pas une phrase, mais une vérité ; de ces visages<br />

en<strong>du</strong>rcis par le travail rayonne toute la beauté de l'Humain. »<br />

L'Anti-Proudhon, La Misère de la Philosophie, composé pendant l'hiver 1846-<br />

1847, est une « réponse à La Philosophie de la Misère » de Proudhon ; le livre paraît<br />

le 15 juin 1847, avec cet avant-propos révélateur :<br />

« M. Proudhon a le malheur d'être singulièrement méconnu en Europe. En France,<br />

il a le droit d'être mauvais économiste, parce qu'il passe pour être bon philosophe allemand.<br />

En Allemagne, il a le droit d'être mauvais philosophe parce qu'il passe pour<br />

être économiste français des plus forts. Nous, en qualité d'Allemand et d'économiste,<br />

nous avons voulu protester contre cette double erreur. »

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