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ARRIGNON, Jean-Pierre<br />

Les relations de la Russie et de l’Empire Ottoman de Pierre le Grand à Catherine II<br />

Les relations entre l’Empire ottoman et l’Empire russe tout au long du XVIIIe s. sont le plus souvent marginalisées<br />

tant dans l’historiographie occidentale que russe principalement attirée par l’ouverture sur l’Occident de la Russie,<br />

notamment après la bataille de Poltava (<strong>17</strong>09) et son expansion sur la rive sud de la Baltique avec pour point d’orgue la fondation<br />

d’une nouvelle capitale Saint-Pétersbourg (<strong>17</strong>03) et le traité de Nystadt (<strong>17</strong>21). Pourtant, l’Empire russe n’a pas pour<br />

autant délaissé les terres méridionales et notamment la mer d’Azov et la mer Noire, où se trouvait le puissant khanat des<br />

Tatars de Crimée, sous la conduite de la dynastie des Giray (<strong>14</strong>27-<strong>17</strong>83), vassale de l’Empire ottoman. C’est d’ailleurs dans<br />

cet espace méridionale de son territoire que l’Empire russe va prendre, pour la première fois une dimension internationale,<br />

mener sa première campagne militaire hors de l’Empire, enfin assumer un héritage spirituel qui sera le ferment de la Révolution<br />

des peuples orthodoxes pour se libérer de l’Empire ottoman.<br />

Le XVIIIe s. russe s’ouvre en effet par le conflit qui oppose les deux empires sous la régence de Sophia Alexeievna<br />

(1682-1689) laquelle rejoint en 1686 la Sainte Ligue, alliance qui rassemble l’Autriche, la Pologne et Venise contre<br />

l’Empire Ottoman. Deux campagnes seront alors menées par les armées russes d’abord en Crimée en 1687 puis en 1689,<br />

et une contre la ville d’Azov en 1685-1686. Ces campagnes conduites par le prince Golitsine, bien que désastreuses sur le<br />

plan militaire, sont néanmoins importantes. Pour la première fois de sa longue histoire, les armées russes vont fouler un sol<br />

étranger et faire entrer la Russie comme partenaire indispensable de la diplomatie européenne. Ces guerres russo-turques<br />

(1686-<strong>17</strong>00) s’achèvent par le traité de Constantinople (<strong>17</strong>00) signé un an après celui de Karlowitz (1699). Il ouvre naturellement<br />

notre intervention.<br />

Ce traité est important dans la mesure où il marque un véritable tournant dans les relations entre la Russie et<br />

le khanat de Crimée. En effet, Pierre le Grand se voit certes reconnaître la possession des villes d’Azov et Taganrog entre<br />

autres, mais en retour, il doit accepter de démanteler les forteresses du Dniepr. Il obtient en outre de ne plus payer le tribut<br />

annuel que l’Empire russe versait jusqu’alors au khan de Crimée, décision symbolique forte qui place Pierre le Grand dans<br />

la continuité du Grand-Prince Ivan III qui avait libéré la Russie du tribut versé au Khan de la Horde d’Or !<br />

Le second temps fort de la Russie dans ses relations avec l’Empire ottoman est lié à la campagne sur le Prut de<br />

juillet <strong>17</strong>11. Cette campagne est décisive et n’arrête pas de susciter l’interrogation des historiens. L’armée russe, dirigée par<br />

le Feld-maréchal Chérémetiev, encerclée par l’armée ottomane dirigée par le Grand Vizir Baltadji Mehmet Pacha, est sur le<br />

point de succomber, quand, pour des raisons que nous analyserons et qui sont toujours discutées, le Grand Vizir accepte<br />

de signer un armistice qui laissait « aux Russes la vie sauve selon les préceptes de la loi de l’Islam ». Certes cet armistice<br />

s’accompagnait de la restitution des villes d’Azov et de Taganrog et à Devlet Giray, mais indiscutablement il sauva la<br />

Russie de Pierre le Grand ! C’est pour commémorer cette bataille que Pierre le Grand créa l’Ordre de Sainte Catherine, en<br />

remerciement des initiatives prises par sa femme, Catherine I, pour la conclusion de l’armistice. La paix du Prut était loin<br />

d’apparaître comme un succès à Constantinople. Nous en analyserons les conséquences tant pour l’empire ottoman que<br />

pour l’empire russe.<br />

Enfin nous analyserons ce qu’il est convenu d’appeler la « révolte des frères Orlov » et le traité de<br />

Kütchük-Kaïnardji (<strong>17</strong>74). Durant la guerre russo-turque de <strong>17</strong>68-<strong>17</strong>74, sous le règne de Catherine II, les frères Orlov<br />

animèrent un épisode révolutionnaire dans le Péloponnèse, la mer Egée et les Cyclades. Cet épisode, toujours<br />

considéré comme le point de départ de la guerre d’indépendance grecque, sera étudié en rapport avec le traité de<br />

Kütchük-Kaïnardji, l’un des plus défavorables signés par les Ottomans. Il accorde en effet l’indépendance au Khan de<br />

Crimée qui passe très rapidement sous le contrôle de l’empire russe. Bien sûr Azov est rendu aux Russes. Surtout, il<br />

accorde aux bateaux battant pavillon russe la libre circulation à travers les détroits des Dardanelles et du Bosphore<br />

ainsi que dans tous les ports du Levant. Cette opportunité sera largement exploitée par les commerçants Grecs de<br />

l’Empire ottoman qui vont faire naviguer leurs bateaux sous pavillon russe afin d’accumuler des fortunes considérables,<br />

ce qui sera à l’origine de la « renaissance grecque » et de la guerre d’indépendance. D’autre part, ce traité est

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