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<strong>Notre</strong>-<strong>Dame</strong> <strong>de</strong> <strong>Paris</strong> - <strong>Victor</strong> <strong>Hugo</strong><br />
cellule sans porte pratiquée au rez-<strong>de</strong>-chaussée dans l'épaisseur du mur <strong>de</strong> la vieille<br />
maison, et pleine d'une paix d'autant plus profon<strong>de</strong>, d'un silence d'autant plus morne<br />
qu'une place publique, la plus populeuse et la plus bruyante <strong>de</strong> <strong>Paris</strong>, fourmille et glapit à<br />
l'entour.<br />
Cette cellule était célèbre dans <strong>Paris</strong> <strong>de</strong>puis près <strong>de</strong> trois siècles que madame Rolan<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
la Tour-Roland, en <strong>de</strong>uil <strong>de</strong> son père mort à la croisa<strong>de</strong>, l'avait fait creuser dans la muraille<br />
<strong>de</strong> sa propre maison pour s'y enfermer à jamais, ne gardant <strong>de</strong> son palais que ce logis<br />
dont la porte était murée et la lucarne ouverte, hiver comme été, donnant tout le reste<br />
aux pauvres et à Dieu. La désolée <strong>de</strong>moiselle avait en effet attendu vingt ans la mort dans<br />
cette tombe anticipée, priant nuit et jour pour l'âme <strong>de</strong> son père, dormant dans la cendre,<br />
sans même avoir une pierre pour oreiller, vêtue d'un sac noir, et ne vivant que <strong>de</strong> ce que<br />
la pitié <strong>de</strong>s passants déposait <strong>de</strong> pain et d'eau sur le rebord <strong>de</strong> sa lucarne, recevant ainsi<br />
la charité après l'avoir faite. À sa mort, au moment <strong>de</strong> passer dans l'autre sépulcre, elle<br />
avait légué à perpétuité celui-ci aux femmes affligées, mères, veuves ou filles, qui<br />
auraient beaucoup à prier pour autrui ou pour elles, et qui voudraient s'enterrer vives<br />
dans une gran<strong>de</strong> douleur ou dans une gran<strong>de</strong> pénitence. Les pauvres <strong>de</strong> son temps lui<br />
avaient fait <strong>de</strong> belles funérailles <strong>de</strong> larmes et <strong>de</strong> bénédictions; mais, à leur grand regret,<br />
la pieuse fille n'avait pu être canonisée sainte, faute <strong>de</strong> protections. Ceux d'entre eux qui<br />
étaient un peu impies avaient espéré que la chose se ferait en paradis plus aisément qu'à<br />
Rome, et avaient tout bonnement prié Dieu pour la défunte, à défaut du pape. La plupart<br />
s'étaient contentés <strong>de</strong> tenir la mémoire <strong>de</strong> Rolan<strong>de</strong> pour sacrée et <strong>de</strong> faire reliques <strong>de</strong> ses<br />
haillons. La ville, <strong>de</strong> son côté, avait fondé, à l'intention <strong>de</strong> la <strong>de</strong>moiselle, un bréviaire<br />
public qu'on avait scellé près <strong>de</strong> la lucarne <strong>de</strong> la cellule, afin que les passants s'y<br />
arrêtassent <strong>de</strong> temps à autre, ne fût-ce que pour prier, que la prière fît songer à l'aumône,<br />
et que les pauvres recluses, héritières du caveau <strong>de</strong> madame Rolan<strong>de</strong>, n'y mourussent<br />
pas tout à fait <strong>de</strong> faim et d'oubli.<br />
Ce n'était pas du reste chose très rare dans les villes du moyen âge que cette espèce <strong>de</strong><br />
tombeaux. On rencontrait souvent, dans la rue la plus fréquentée, dans le marché le plus<br />
bariolé et le plus assourdissant, tout au beau milieu, sous les pieds <strong>de</strong>s chevaux, sous la<br />
roue <strong>de</strong>s charrettes en quelque sorte, une cave, un puits, un cabanon muré et grillé, au<br />
fond duquel priait jour et nuit un être humain, volontairement dévoué à quelque<br />
lamentation éternelle, à quelque gran<strong>de</strong> expiation. Et toutes les réflexions qu'éveillerait en<br />
nous aujourd'hui cet étrange spectacle, cette horrible cellule, sorte d'anneau intermédiaire<br />
<strong>de</strong> la maison et <strong>de</strong> la tombe, du cimetière et <strong>de</strong> la cité, ce vivant retranché <strong>de</strong> la<br />
communauté humaine et compté désormais chez les morts, cette lampe consumant sa<br />
<strong>de</strong>rnière goutte d'huile dans l'ombre, ce reste <strong>de</strong> vie vacillant dans une fosse, ce souffle,<br />
cette voix, cette prière éternelle dans une boîte <strong>de</strong> pierre, cette face à jamais tournée vers<br />
l'autre mon<strong>de</strong>, cet œil déjà illuminé d'un autre soleil, cette oreille collée aux parois <strong>de</strong> la<br />
tombe, cette âme prisonnière dans ce corps, ce corps prisonnier dans ce cachot, et sous<br />
cette double enveloppe <strong>de</strong> chair et <strong>de</strong> granit le bourdonnement <strong>de</strong> cette âme en peine,<br />
rien <strong>de</strong> tout cela n'était perçu par la foule. La piété peu raisonneuse et peu subtile <strong>de</strong> ce<br />
temps-là ne voyait pas tant <strong>de</strong> facettes à un acte <strong>de</strong> religion. Elle prenait la chose en bloc,<br />
et honorait, vénérait, sanctifiait au besoin le sacrifice, mais n'en analysait pas les<br />
souffrances et s'en apitoyait médiocrement. Elle apportait <strong>de</strong> temps en temps quelque<br />
pitance au misérable pénitent, regardait par le trou s'il vivait encore, ignorait son nom,<br />
savait à peine <strong>de</strong>puis combien d'années il avait commencé à mourir, et à l'étranger qui les<br />
questionnait sur le squelette vivant qui pourrissait dans cette cave, les voisins répondaient<br />
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