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Notre-Dame de Paris – Victor Hugo

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<strong>Notre</strong>-<strong>Dame</strong> <strong>de</strong> <strong>Paris</strong> - <strong>Victor</strong> <strong>Hugo</strong><br />

Ballestas <strong>de</strong> buen echar.<br />

Gringoire se sentait venir les larmes aux yeux. Cependant son chant respirait surtout la<br />

joie, et elle semblait chanter, comme l'oiseau, par sérénité et par insouciance.<br />

La chanson <strong>de</strong> la bohémienne avait troublé la rêverie <strong>de</strong> Gringoire, mais comme le cygne<br />

trouble l'eau. Il l'écoutait avec une sorte <strong>de</strong> ravissement et d'oubli <strong>de</strong> toute chose. C'était<br />

<strong>de</strong>puis plusieurs heures le premier moment où il ne se sentît pas souffrir.<br />

Ce moment fut court.<br />

La même voix <strong>de</strong> femme qui avait interrompu la danse <strong>de</strong> la bohémienne vint interrompre<br />

son chant.<br />

«Te tairas-tu, cigale d'enfer?» cria-t-elle, toujours du même coin obscur <strong>de</strong> la place.<br />

La pauvre cigale s'arrêta court. Gringoire se boucha les oreilles.<br />

«Oh! s'écria-t-il, maudite scie ébréchée, qui vient briser la lyre!»<br />

Cependant les autres spectateurs murmuraient comme lui: «Au diable la sachette!» disait<br />

plus d'un. Et la vieille trouble-fête invisible eût pu avoir à se repentir <strong>de</strong> ses agressions<br />

contre la bohémienne, s'ils n'eussent été distraits en ce moment même par la procession<br />

du pape <strong>de</strong>s fous, qui, après avoir parcouru force rues et carrefours, débouchait dans la<br />

place <strong>de</strong> Grève, avec toutes ses torches et toute sa rumeur.<br />

Cette procession, que nos lecteurs ont vue partir du Palais, s'était organisée chemin<br />

faisant, et recrutée <strong>de</strong> tout ce qu'il y avait à <strong>Paris</strong> <strong>de</strong> marauds, <strong>de</strong> voleurs oisifs, et <strong>de</strong><br />

vagabonds disponibles; aussi présentait-elle un aspect respectable lorsqu'elle arriva en<br />

Grève.<br />

D'abord marchait l'Égypte. Le duc d'Égypte, en tête, à cheval, avec ses comtes à pied, lui<br />

tenant la bri<strong>de</strong> et l'étrier; <strong>de</strong>rrière eux, les égyptiens et les égyptiennes pêle-mêle avec<br />

leurs petits enfants criant sur leurs épaules; tous, duc, comtes, menu peuple, en haillons<br />

et en oripeaux. Puis c'était le royaume d'argot: c'est-à-dire tous les voleurs <strong>de</strong> France,<br />

échelonnés par ordre <strong>de</strong> dignité; les moindres passant les premiers. Ainsi défilaient quatre<br />

par quatre, avec les divers insignes <strong>de</strong> leurs gra<strong>de</strong>s dans cette étrange faculté, la plupart<br />

éclopés, ceux-ci boiteux, ceux-là manchots, les courtauds <strong>de</strong> boutanche, les coquillarts,<br />

les hubins, les sabouleux, les calots, les francs-mitoux, les polissons, les piètres, les<br />

capons, les malingreux, les rifodés, les marcandiers, les narquois, les orphelins, les<br />

archisuppôts, les cagoux; dénombrement à fatiguer Homère. Au centre du conclave <strong>de</strong>s<br />

cagoux et <strong>de</strong>s archisuppôts, on avait peine à distinguer le roi <strong>de</strong> l'argot, le grand coësre,<br />

accroupi dans une petite charrette traînée par <strong>de</strong>ux grands chiens. Après le royaume <strong>de</strong>s<br />

argotiers, venait l'empire <strong>de</strong> Galilée. Guillaume Rousseau, empereur <strong>de</strong> l'empire <strong>de</strong><br />

Galilée, marchait majestueusement dans sa robe <strong>de</strong> pourpre tachée <strong>de</strong> vin, précédé <strong>de</strong><br />

baladins s'entre-battant et dansant <strong>de</strong>s pyrrhiques, entouré <strong>de</strong> ses massiers, <strong>de</strong> ses<br />

suppôts, et <strong>de</strong>s clercs <strong>de</strong> la chambre <strong>de</strong>s comptes. Enfin venait la basoche, avec ses mais<br />

couronnés <strong>de</strong> fleurs, ses robes noires, sa musique digne du sabbat, et ses grosses<br />

chan<strong>de</strong>lles <strong>de</strong> cire jaune. Au centre <strong>de</strong> cette foule, les grands officiers <strong>de</strong> la confrérie <strong>de</strong>s<br />

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