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Notre-Dame de Paris – Victor Hugo

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<strong>Notre</strong>-<strong>Dame</strong> <strong>de</strong> <strong>Paris</strong> - <strong>Victor</strong> <strong>Hugo</strong><br />

grosse Tour du Louvre, avec sa basse-taille. Le royal carillon du Palais jette sans relâche<br />

<strong>de</strong> tous côtés <strong>de</strong>s trilles resplendissants sur lesquels tombent à temps égaux les lour<strong>de</strong>s<br />

couppetées du beffroi <strong>de</strong> <strong>Notre</strong>-<strong>Dame</strong>, qui les font étinceler comme l'enclume sous le<br />

marteau. Par intervalles vous voyez passer <strong>de</strong>s sons <strong>de</strong> toute forme qui viennent <strong>de</strong> la<br />

triple volée <strong>de</strong> Saint-Germain-<strong>de</strong>s-Prés. Puis encore <strong>de</strong> temps en temps cette masse <strong>de</strong><br />

bruits sublimes s'entr'ouvre et donne passage à la strette <strong>de</strong> l'Ave-Maria qui éclate et<br />

pétille comme une aigrette d'étoiles. Au-<strong>de</strong>ssous, au plus profond du concert, vous<br />

distinguez confusément le chant intérieur <strong>de</strong>s églises qui transpire à travers les pores<br />

vibrants <strong>de</strong> leurs voûtes.- Certes, c'est là un opéra qui vaut la peine d'être écouté.<br />

D'ordinaire, la rumeur qui s'échappe <strong>de</strong> <strong>Paris</strong> le jour, c'est la ville qui parle; la nuit, c'est la<br />

ville qui respire: ici, c'est la ville qui chante. Prêtez donc l'oreille à ce tutti <strong>de</strong>s clochers,<br />

répan<strong>de</strong>z sur l'ensemble le murmure d'un <strong>de</strong>mi-million d'hommes, la plainte éternelle du<br />

fleuve, les souffles infinis du vent, le quatuor grave et lointain <strong>de</strong>s quatre forêts disposées<br />

sur les collines <strong>de</strong> l'horizon comme d'immenses buffets d'orgue, éteignez-y ainsi que dans<br />

une <strong>de</strong>mi-teinte tout ce que le carillon central aurait <strong>de</strong> trop rauque et <strong>de</strong> trop aigu, et<br />

dites si vous connaissez au mon<strong>de</strong> quelque chose <strong>de</strong> plus riche, <strong>de</strong> plus joyeux, <strong>de</strong> plus<br />

doré, <strong>de</strong> plus éblouissant que ce tumulte <strong>de</strong> cloches et <strong>de</strong> sonneries; que cette fournaise<br />

<strong>de</strong> musique; que ces dix mille voix d'airain chantant à la fois dans <strong>de</strong>s flûtes <strong>de</strong> pierre<br />

hautes <strong>de</strong> trois cents pieds; que cette cité qui n'est plus qu'un orchestre; que cette<br />

symphonie qui fait le bruit d'une tempête.<br />

LIVRE QUATRIÈME<br />

I<br />

LES BONNES ÂMES<br />

Il y avait seize ans à l'époque où se passe cette histoire que, par un beau matin <strong>de</strong><br />

dimanche <strong>de</strong> la Quasimodo, une créature vivante avait été déposée après la messe dans<br />

l'église <strong>de</strong> <strong>Notre</strong>-<strong>Dame</strong>, sur le bois <strong>de</strong> lit scellé dans le parvis à main gauche, vis-à-vis ce<br />

grand image <strong>de</strong> saint Christophe que la figure sculptée en pierre <strong>de</strong> messire Antoine <strong>de</strong>s<br />

Essarts, chevalier, regardait à genoux <strong>de</strong>puis 1413, lorsqu'on s'est avisé <strong>de</strong> jeter bas et le<br />

saint et le fidèle. C'est sur ce bois <strong>de</strong> lit qu'il était d'usage d'exposer les enfants trouvés à<br />

la charité publique. Les prenait là qui voulait. Devant le bois <strong>de</strong> lit était un bassin <strong>de</strong><br />

cuivre pour les aumônes.<br />

L'espèce d'être vivant qui gisait sur cette planche le matin <strong>de</strong> la Quasimodo en l'an du<br />

Seigneur 1467 paraissait exciter à un haut <strong>de</strong>gré la curiosité du groupe assez considérable<br />

qui s'était amassé autour du bois <strong>de</strong> lit. Le groupe était formé en gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong><br />

personnes du beau sexe. Ce n'étaient presque que <strong>de</strong>s vieilles femmes.<br />

Au premier rang et les plus inclinées sur le lit, on en remarquait quatre qu'à leur cagoule<br />

grise, sorte <strong>de</strong> soutane, on <strong>de</strong>vinait attachées à quelque confrérie dévote. Je ne vois point<br />

pourquoi l'histoire ne transmettrait pas à la postérité les noms <strong>de</strong> ces quatre discrètes et<br />

vénérables <strong>de</strong>moiselles. C'étaient Agnès la Herme, Jehanne <strong>de</strong> la Tarme, Henriette la<br />

Gaultière, Gauchère la Violette, toutes quatre veuves, toutes quatre bonnes-femmes <strong>de</strong> la<br />

chapelle Étienne-Haudry, sorties <strong>de</strong> leur maison, avec la permission <strong>de</strong> leur maîtresse et<br />

conformément aux statuts <strong>de</strong> Pierre d'Ailly, pour venir entendre le sermon.<br />

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