HISTOIRE DES CHEVALIERS ROMAINS - L'Histoire antique des ...
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de Sicinius, et sans l'ordre1 <strong>des</strong> consuls (injussu cousulum), occuper le Mont-Sacré<br />
à trois milles de Rome, au nord de l'Anio.<br />
Toute cette première partie du récit est fausse. Tite-Live nous apprend lui-même<br />
que ce fut seulement en l'an 216 av. J.-C. que pour la première fois les soldats<br />
prêtèrent serment à leurs chefs, et jurèrent de se réunir sur l'ordre <strong>des</strong> consuls<br />
et de ne pas se séparer sans leur ordre. Auparavant, les cavaliers de chaque<br />
décurie, les fantassins de chaque centurie s'engageaient seulement entre eux par<br />
une promesse sacrée, mais volontaire, à ne pas fuir, à ne pas quitter leurs rangs,<br />
si ce n'est pour aller chercher une arme, tuer un ennemi ou sauver un citoyen.<br />
Les tribuns militaires de l'an 216 av. J.-C. transformèrent cet engagement<br />
spontané d'homme à homme en un serment légal exigé par les chefs2.<br />
Ainsi toute l'histoire de la révolte de 493 av. J.-C., qui suppose que le serment<br />
établi en 216 av. J.-C. existait déjà aux premières années de la République, et<br />
qui prête au Sénat d'alors <strong>des</strong> combinaisons, aux soldats, <strong>des</strong> projets et <strong>des</strong><br />
scrupules fondés sur ce serment, est un récit plein d'anachronismes et de faits<br />
imaginaires.<br />
Chez Denys3, l'erreur s'accentue plus fortement. Les soldats qui abandonnent<br />
leurs chefs, restent fidèles à leurs enseignes. Ils les emportent au Mont-Sacré,<br />
et, en violant la religion du serment, ils conservent la religion du drapeau. Mais,<br />
comme les légionnaires de 493 av. J.-C. n'avaient point fait de serment aux<br />
consuls et n'étaient liés qu'entre eux par un engagement personnel de ne pas<br />
s'abandonner sur le champ de bataille, les compagnons de Sicinius Bellutus et de<br />
Junius Brutus n'avaient aucune raison de rester réunis après la fin d'une<br />
campagne victorieuse.<br />
S'ils voulaient faire une démonstration politique, on ne comprendrait pas qu'ils<br />
en eussent placé le théâtre sur une montagne isolée, à une lieue au nord de<br />
Rome. A quoi bon camper en hiver sur le Mont-Sacré ? Et pourquoi <strong>des</strong> soldats,<br />
qui violaient les lois pour faire une révolution, n'imposaient-ils pas leurs volontés<br />
aux patriciens dans Rome même ?<br />
D'ailleurs le séjour de presque toute la plèbe sur le Mont-Sacré présente <strong>des</strong><br />
impossibilités de toute sorte. Tite-Live y fait aller les dix légions de 493 av. J.-C.<br />
et, comprenant l'invraisemblance de l'immobilité prolongée d'un camp de<br />
cinquante mille hommes, il ne fait durer cette retraite que quelques jours4. Mais,<br />
dans cette hypothèse, on ne comprend plus que la retraite de la plèbe, ayant été<br />
1 Tite-Live (III, 20) donne ainsi la formule du serment : Quum omnes in verba<br />
juraverunt CONVENTUROS SE JUSSU CONSULIS, NEC INJUSSU ABITUROS. Dans ce passage, Tite-<br />
Live a aussi commis un anachronisme.<br />
2 Tite-Live, XXII, 38, an 216 av. J.-C. Du reste, la première partie de la formule du<br />
serment que les tribuns militaires exigeaient, au nom <strong>des</strong> consuls, est donnée par<br />
Cincius, dans Aulu-Gelle (liv. XVI, ch. 4) ; elle commence ainsi : In magistratu C. Lœtii C.<br />
filii consulis, L. Cornelii P. filii consulis in exercitu decemque millia passuum prope<br />
furtum non facies dolo malo solus atque cum pluribus PLURIS NUMMI ARGENTEI. Il n'y eut pas<br />
de monnaies d'argent frappées à Rome avant 209 av. J.-C. ; elles n'y étaient pas<br />
connues avant la guerre de Pyrrhus. La formule date donc <strong>des</strong> guerres puniques.<br />
3 Denys, VI, 45.<br />
4 Tite-Live, II, 32.