HISTOIRE DES CHEVALIERS ROMAINS - L'Histoire antique des ...
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le Capitole et le Palatin ? Était-il supportable qu'un sénateur, un consulaire, dût<br />
assister de loin et en silence aux délibérations de cette plèbe du dehors qui<br />
venait s'assembler devant sa maison ; qu'en sortant de la curie, il rencontrât<br />
assis dans le vestibule dix tribuns, dix surveillants étrangers, indifférents à la loi<br />
qui ne leur permettait pas de discuter dans le sénat, parce qu'il fallait leur<br />
soumettre chaque sénatus-consulte, et que d'un seul mot, veto, ils pouvaient<br />
l'annuler sans discussion ; qu'un jeune noble du quartier élégant <strong>des</strong> Carènes,<br />
pour un coup donné à un édile d'un marché, à un appariteur d'un tribun qu'il<br />
n'avait pas nommé, pour un mot, pour un cri qui lui serait échappé devant<br />
l'assemblée <strong>des</strong> tribus contre la majesté sacro-sainte du protecteur <strong>des</strong> paysans,<br />
fût saisi, enchaîné, détenu dans la prison du Forum, et précipité sans procédure<br />
de la roche Tarpéienne, comme un violateur du droit <strong>des</strong> gens, à moins qu'il<br />
n'aimât mieux en appeler au jugement de la plèbe elle-même, qui probablement<br />
lui permettait de vivre, à condition de s'exiler à Tibur, ou de paver cinq cent mille<br />
livres de cuivre qui formaient alors le prix de cinq cents chevaux de bataille ?<br />
Pour ne point devoir leur fortune ou leur vie à ces Tarquins tribuns de la plèbe<br />
qui s'arrogeaient le droit de les condamner et même de leur faire grâce, le fils de<br />
Menenius Agrippa, en 476 av. J.-C., et le chef du décemvirat, Appius Claudius,<br />
en 446, préférèrent se donner la mort.<br />
Une institution qui infligeait aux patriciens de telles humiliations, ou les réduisait<br />
à de telles nécessités, était à leurs veux un véritable monstre politique qui avait<br />
créé à Rome une cité dans la cité, et fait de la République un corps à deux têtes.<br />
Q. Cicéron, un de ces partisans que la noblesse rencontre souvent parmi les<br />
hommes distingués de la plèbe, qui ont l'esprit étroit et le tempérament<br />
énergique de l'aristocratie, comparait le tribunat à ces enfants difformes que la<br />
loi <strong>des</strong> Douze Tables ordonnait au père d'abandonner et de laisser mourir. Il<br />
s'indignait que le monstre, un instant mis de côté par les décemvirs, eût reparu<br />
au temps de la loi Valeria-Horatia encore plus laid et plus horrible qu'auparavant.<br />
Il s'étonnait que son frère Marcus lui laissât une place dans la constitution dont il<br />
esquissait le plan. Mais Marcus lui répondait avec ce calme que donne toujours la<br />
supériorité de l'esprit jointe à une grande expérience1 :<br />
Vous voyez très-clairement, Quintus, les vices du tribunat. Mais<br />
c'est un procédé injuste, quand on se plaint d'une chose, d'en<br />
négliger les bons effets pour énumérer les maux qu'elle a<br />
produits, et pour mettre seulement en relief ce qu'elle a de<br />
vicieux. Par cette méthode, on pourrait blâmer même le consulat,<br />
en dressant la liste <strong>des</strong> fautes <strong>des</strong> consuls que je ne veux pas<br />
énumérer.<br />
Celui qui avait combattu dans Catilina et dans Clodius, non les chefs d'un parti<br />
plébéien, mais ceux du vieux parti syllanien, composé de patriciens, de soldats<br />
ruinés, de bravi qui remplissaient les corporations2 urbaines et infestaient le<br />
pavé de Rome, savait bien par expérience que la plèbe romaine n'était pas ce<br />
ramas de soldatesque et de populace désœuvrée, toujours au service et aux<br />
gages de l'aristocratie. La plèbe véritable, celle que les tribuns avaient<br />
représentée dans l'histoire, était celle <strong>des</strong> tribus rustiques, celle qui avait ramené<br />
Cicéron de l'exil, en fermant, comme il le disait, pour venir au Champ-de-Mars<br />
voter en sa faveur, non les échoppes du Palatin et du quartier de Subure, mais<br />
1 Cicéron, De Legibus, III, 10.<br />
2 Collegia urbana.