Revista de Letras - Utad

La comparaison de L’Âne de Lucien et L’Âne d’or d’Apulée 181Cependant, si l’auteur latin a considérablement modifié le sens de l’œuvre, dontil s’inspirait, ce n’est pas par un changement apporté à l’ensemble des aventuresde l’âne, mais par les additions qu’il semble avoir faites à l’histoire de l’homme-Lucius, c’est à dire par les récits insérés dans le début de l’histoire et surtout parle livre XI. En effet, l’ensemble des aventures de Lucius, une fois qu’il estdevenu âne, se déroule d’une manière très comparable à celle qui commande ledéroulement des mésaventures de l’âne-Lucius, dans L’Ane.Dans l’œuvre grecque comme dans le roman latin, l’âne devient la propriétéde brigands, d’une jeune fille et de son palefrenier, d’une bande de paysans, deprêtres de la déesse Syrienne, d’un meunier, d’un jardinier, d’un soldat, d’unriche seigneur. De la manière aussi, dans les deux œuvres, l’âne nous rappelletout au long de ses aventures qu’il fut un homme et que, comme tel, il jouit decertaines facultés particulières, en particulier de l’intelligence et de la mémoire.Ainsi, après la fatale erreur de Photis-Palestra, l’âne, dans les deux œuvres,constate que, bien que devenu âne pour l’apparence extérieure, il est toujourshomme en ce qui concerne l’esprit :... bien que je fusse devenu un âne en tout et, de Lucius une bête desomme, je conservais pourtant une intelligence humaine. [Apulée 1975: III,26]J’avais donc bien toute l’encolure d’un âne ; mais, quant à l’esprit,j’étais encore homme, le même Lucius, à la voix près. [Lucien deSamosate 1946 : 95]C’est poussée par la même inspiration aussi que les deux héros essaientd’invoquer le nom de César pour alerter les voisins après le pillage de la maisonde Milon :... parmi des groupes de Grecs, j’essayais d’invoquer, en pure languelatine, le nom auguste de César, et, à la vérité, je fis entendre un “O” fortclair et sonore, mais le reste, le nom de César, impossible de le prononcer.[Apulée 1975 : III, 29]Souvent je voulus m’écrier : “O César !” mais je ne faisais que braire ;il sortait bien de ma bouche un “O” grand et sonore, mais “César” nesuivait pas ; ce qui m’attirait chaque fois de nouveaux coups, parce quemon braire les trahissaient. [Lucien de Samosate 1946 : 97]Ils tombent aussi tous les deux amoureux de la jeune captive avec laquelleils s’enfuient [Apulée, 1975, IV. 24 à VI. 28] ; [Lucien de Samosate 1946: 104 et107] et, de la même façon, leurs facultés humaines leur permettent à mêmefaçon, leurs facultés humaines leur permettent à tous les deux de devenir très