II

LA RÉFORME DES COURS D'ASSISES EN ALGÉRIE 165
manifeste que des considérations de ce genre tiennent
une large place dans les motifs de ses verdicts ? Lors du
procès du célèbre bandit kabyle, Areski ben el Bachir,
j'entends encore le défenseur insister sur cet argument
qu'il jugeait seul capable de soustraire son client à l'ex
piation suprême : < Areski, disait-il, n'a frappé que
des Kabyles,
vous le faisiez,
vous ne pouvez le condamner à mort si
quel châtiment réserveriez-vous désor
mais à l'indigène qui frappera un colon ? »
C'est surtout quand il s'agit de crimes commis par des
indigènes à l'encontre de colons français que les jurys
algériens paraissent manquer de l'impartialité qu'on doit
avant tout, rechercher chez des juges. Que de fois, en
pareil cas, la sévérité de leurs verdicts dépasse la juste
répression réclamée par le ministère public ! Il n'est pas
unique cet exemple que fournit la Cour d'assises d'Oran
dans sa dernière session de 1894. Six indigènes compa
raissaient devant le jury, accusés d'assassinat sur le gar
dien d'une ferme isolée, la ferme du Chelat. Le ministère
public n'avait cru devoir demander l'expiation suprême
que pour un seul des accusés. Le jury n'en rapporte pas
moins un verdict qui entraine la peine de mort pour
quatre d'entre eux.
Un magistrat du parquet général d'Alger me citait,
entre autres, un exemple non moins significatif. Le cour
rier,
chargé du service quotidien entre Mostaganem et
Inkermann,
avait été assassiné et dépouillé à quelques
kilomètres de cette dernière localité. Après l'avoir vaine
ment attendu, on s'était mis à sa recherche. Son cadavre
avait été retrouvé dans un des fossés du chemin. Quatre
indigènes furent arrêtés et déférésà la Cour d'assises d'O-