II

200 PROJET DE LOI SUR LA PROPRIÉTÉ FONCIÈRE
du milieu social dans lequel elle devait fonctionner. La
culture collective ne résulte pas seulement, chez les in
digènes, d'habitudes sociales anciennes ; elle est impo
sée par des nécessités économiques. Le laboureur indi
gène n'a ni engrais, ni fumures. Il se borne à gratter
superficiellement le sol auquel il confie sa semence.
Pour obtenir une moisson, il lui faut donc,
chaque an
née, déplacer ses terrains de culture. D'autre part, cha
cun est loin de pouvoir, avec ses ressources personnelles,
proportionner ses cultures à l'étendue de ses besoins.
Tel ne possède qu'un bœuf, celui-ci n'a qu'une charrue,
cet autre a seulement un âne ou une jument. Dans ces
conditions, la mise en commun du sol et des instruments
de culture s'impose comme une inéluctable nécessité.
Comment les opérations du commissaire enquêteur
auraient-elles suffi à modifier cet éta't de choses? Ce.
fonctionnaire avait beau s'en tenir scrupuleusement aux
procédures prescrites et délivrer à chacun, dans la forme '
requise,
un titre relatif à telle ou telle parcelle divise. A
peine était-il parti, que tous retournaient à leurs anciens
procédés de culture, er^de son passage, il ne restait guère
que des titres nus, auxquels rien ne correspondait dans
la réalité des faits. Sans doute, avec ce système, on n'a
vait plus à redouter les licitations ruineuses du passé.
Mais il devenait vite impossible de déterminer à quelles
parcelles s'appliquaient les titres délivrés. Au lieu de le
démêler,
on avait embrouillé davantage l'écheveau déjà
si compliqué de la propriété indigène. Une fois de plus,
la résistance des habitudes sociales avait eu raison de la
toute-puissance de la loi.
Pendant plus de vingt ans, on a procédé aux opéra-