II

198 PROJET DE LOI SUR LA PROPRIÉTÉ FONCIÈRE
Ce résultat correspondait-il au but essentiel de la loi ?
On avait voulu permettre aux Européens l'acquisition
des propriétés indigènes. Autrefois, ils ne savaient avec
qui traiter. Désormais, les titres délivrés ne permettent
plus la même incertitude. Les propriétaires sont connus.
Mais, le plus souvent, ils sont légion, et, faute de s'en
tendre avec tous, il faut renoncer à l'acquisition ou s'ex
poser aux inconvénients et aux risques de la copropriété.
Dans ces conditions, pouvait-on dire que la loi nou
velle avait atteint le but essentiel qu'on lui avait assi
gné ?
On s'était aussi flatté de voir la loi fonctionner, dans
es milieux indigènes , comme un puissant moyen de ci
vilisation. On s'aperçut vite qu'elle n y pouvait semer
que la ruine et la misère. Certains hommes d'affaires
algériens eurent bientôt fait de comprendre tout le parti
qu'ils pouvaient tirer de ces innombrables copropriétés
dont l'exécution de la loi parsemait l'Algérie. Toutes ces
copropriétés, c'étaient autant de licitations en perspec
tive,
avec leur inséparable cortège de frais et d'inci
dents de procédure. Trour des communautés de 200 à
300 personnes, incapables de se concerter en vue de
maintenir l'indivision ou d'effectuer un partage en na
ture, l'application de l'article 815 du Code civil devait
nécessairement aboutir à une licitation des propriétés
indivises. La perspective était alléchante autant qu'é
taient faciles les occasions de provoquer des partages.
Aussi, de toutes parts, les licitations se multiplièrent.
Relatives bien souvent à des communautés de plusieurs
centaines de membres, elles entraînaient presque tou
jours des frais de procédure que le prix de vente des im-