II

166 LA REFORME DES COURS D'ASSISES EN ALGERIE
ranpoury
répondre de ce crime. Chargé de soutenir l'ac
cusation, le magistrat dont je parle étudia le dossier avec
une attention d'autant plus scrupuleuse que la répression
lui paraissait plus nécessaire. Et, en effet, l'émotion cau
sée par ce crime était à peine calmée qu'un autre du
même genre était accompli dans le même département :
le courrier faisant le service entre Lalla Maghnia et Ne
mours était assassiné et volé dans des conditions et des
circonstances à peu près identiques. Un exemple était
donc éminemment désirable. Malheureusement, l'exa
men du dossier ne révélait aucune charge contre les
accusés. Un seul témoignage était invoqué contre eux, et
les circonstances de la cause en démontraient la faus
seté évidente. L'indigène qui, le premier, avait décou
vert la victime, prétendait, en effet, que celle-ci, avant
de mourir, lui avait désigné ses assassins. Or, le méde
cin,
arrivé sur le lieu du crime moins d'une heure après
la découverte du cadavre, avait pu constater que la mort
remontait à cinq ou six heures au moins. Dans ces condi
tions, l'honorable organe du ministère public ne crut
pas que sa conscience lui permettait autre chose que
d'exposer au jury
les incertitudes et les doutes qu'il
éprouvait à soutenir l'accusation. Le jury n en répondit
pas moins par un verdict impitoyable, et ce fut, dans la
presse locale,
un concert unanime de critiques et de
blâmes contre un magistrat qui, par sa faiblesse, ris
quait de compromettre la sécurité des colons.
L'état d'esprit, que révèlent de semblables affaires,
est si puissant en Algérie,
qu'on voit parfois les magis
trats eux-mêmes partager etparfois provoquer les entraî
nements du jury. Je n'en citerai qu'un exemple : c'est